Sortir du réel en rentrant dans Bolchoï Arena

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Au moment où Facebook lance son décevant univers virtuel, que diriez-vous de rentrer dans celui du Bolchoï Arena ? Cette série de science-fiction est un véritable coup de poing dans la bd française par sa splendeur visuelle et son scénario autant novateur que réaliste.

Anarchie réelle et virtuelle

le monde réel du Bolchoï Arena

Bolchoï Arena est une série d’anticipation, une série de science-fiction se déroulant dans un futur proche. Le monde est désormais divisé en deux : le monde réel et le virtuel du Bolchoï. Une grande partie de la population terrestre vit désormais dans quelques mégalopoles avec une population si nombreuse que l’on a le sentiment d’étouffer dès que l’on pose un pied hors de son appartement. Pour supporter cette situation, la plupart des habitants se réfugient dans le monde virtuel et infini du Bolchoï. Cet univers si populaire est devenu une énorme source de profits. De puissantes multinationales dont Titanica et Bogi se battent pour prendre le pouvoir sur ces potentiels clients. Sur terre, ces corporations deviennent aussi les principaux employeurs.

Bolchoï Arena suit surtout les aventures d’une jeune femme, Marje. Depuis le tome précédent. Elle est coincée dans le Bolchoï alors que son corps est plongé dans le coma. Marje a révélé que BOGI est dirigée par des intelligences artificielles mais, sur le monde réel, cette révélation provoque un raz-de-marée de licenciements et donc des émeutes à Paris et un début de guerre civile en Afrique du Sud. Marje part pour l’espace pensant provoquer le lag qui déclenchera la mort de son corps. Mais elle découvre deux planètes où une faune et une flore se sont développées sans aucune intervention humaine. La jeune fille veut tout faire pour éviter une colonisation des planètes vierges. Mais, comment protéger cet Eden de l’avidité de la foule du Bolchoï et des multinationales ?

De la science-fiction sociale

Le scénariste Boulet écrit avec Bolchoï Arena une version neuve de la science-fiction. Les journaux télévisés consacrent autant de temps à la France qu’au Bolchoï. On a passé une étape par rapport à Tron car le virtuel n’est plus une bulle autonome mais il modifie le réel. Virtuel et réel ne sont donc pas séparés et subissent la même emprise capitaliste. Boulet propose aussi une science-fiction à la française en s’attachant aux répercussions sociales et personnelles des changements technologiques. L’engagement peut fragiliser un couple et les liens d’amitié. Comme les bons récits de science-fiction, Bolchoï Arena parle autant du futur que du présent. Les images des émeutes rappellent les Gilets jaunes car ils subissent aussi des violences policières. Les opposants politiques font penser à des anarchistes mutés avec des altermondialistes zadistes.

Conflit amical dans Bolchoï Arena

Akira-sur-Seine

Bolchoï Arena se présente sous une forme intermédiaire entre le manga et la bd. Il est souple, assez épais avec 163 pages et relativement petit comme la bd japonaise mais il plus grand qu’un manga et en couleur comme une bd européenne. Le style du dessinateur Aseyn ressemblant à Akira Katsuhiro Ōtomo par l’alliance entre des formes très manga et un grain dans les décors par de petits traits paraissant inutiles mais donnant de la chaleur et de la personnalité au dessin. On est alors surpris de découvrir des architectures haussmanniennes et dans l’espace ses vaisseaux spatiaux sont incroyables. La colorisation de Yoann Guillé par de légères teintes pastels embellit le trait sans jamais s’imposer. On voit volontairement les points de la colorisation pour rajouter du grain au dessin. On peut également souligner les efforts sur la magnifique couverture avec un très beau rabat en plastique qui vient recouvrir du logo de la série.

Delcourt offre avec Bolchoï Arena un renouveau de la bd de science-fiction. Le dessin hybride et dense d’Aseyn éblouit le lecteur alors que le scénario de Boulet présente une héroïne forte perdue au milieu de vampires capitalistes et des tourments sentimentaux.

Vous pouvez retrouver d’autres chroniques de science-fiction avec Demain et La Brigade chimérique.