Sauvez votre sexualité avec EVEN

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Avec EVEN, le scénariste Zidrou et le dessinateur Alexei proposent de sauver votre sexualité malmenée par les multiples confinements et couvre-feu. Et si Delcourt proposait la solution à toutes les pannes par le virtuel et les algorithmes ?

Une égalité parfaite sauf les laids

EVEN propose une vision futuriste de la chair. Zidrou refuse l’exotisme en s’inscrivant dans la tradition européenne de la science-fiction : tout se passe à Lyon même si on voit assez peu la ville. Le futur est radieux car on ne fait plus aucune différence entre les races, les genres, les orientations sexuelles ou la religion. Toutes les discriminations ont disparu et le plaisir est libre. Enfin, presque toutes les discriminations car, tel un apartheid physique, il reste la barrière infranchissable entre les beaux (les swiiits – rappelant sans doute sweet synonyme de beau en anglais) et les laids (les ugly pour laid dans la même langue). Dans EVEN, les personnes considérées comme laides sont méprisées. Une femme ugly n’ose avouer ses désirs pour un swiiit alors que toute sa famille souffre d’exclusion. On suit donc une galerie de personnages en crise et les liens se feront progressivement entre eux.

des patients dans EVEN

C’est dans ce contexte que la journaliste Seymour inspecte l’hôpital sexuel du Dr. Sidibe, l’Érospital, où cet orgasmologue propose une thérapie novatrice : le recours à une réplique virtuelle EVEN couplée à des programmes d’action conçus par des algorithmes. EVEN serait-elle la solution parfaite car l’être virtuelle est totalement modifiable en fonction des désirs des patients ? Seymour est impressionné par toutes ces technologies bien que si on écoute les patients, cette expérimentation est un échec mais le docteur, un être manipulateur et pervers n’écoute personne. En fait, Seymour cache son jeu pour enquêter sur une mort suspecte faisant d’EVEN un récit policier assez malin bouleversant la vision préliminaire que l’on s’était faite de certains personnages.

Une vision sombre de l’érotisme

Dans le futur, l’Union européenne gère aussi la sexualité des citoyens pour faire augmenter les orgasmes des citoyens car la santé publique s’étend désormais à la sexualité individuelle, de couple ou de groupe. Ce programme politique originale apparaît dans la publicité pour l’Érospital Lyon 2 ouvrant le livre avant la page des crédits telle une publicité avant le film. Cependant, la chair est triste car il y a des pratiques illégales. On le découvre par les entretiens de plusieurs patients avec le Dr. Sidibe. Avoir une relation charnelle avec une personne âgée est interdit. Le bracelet électronique est remplacé par la masturbation obligatoire car les criminels sexuels sont condamnés à se soulager dans cet hôpital pour éviter la récidive. Dans EVEN, le plaisir devient un devoir. Zidrou dénonce le culte de la performance qui transforme le sexe en rentabilité quotidienne. L’amour n’a plus de place et encore moins le chagrin. Le deuil est soulagé par du viagra mais le traitement devient une prison sans fin.

La suggestion selon Alexei dans EVEN

Cette rénovation de l’érotisme en bd passe par les magnifiques dessins d’Alexei Kispredilov qui sait suggérer sans être vulgaire. Le traits vifs et épais rendent la chair sensible mais insistent aussi sur les douleurs de chacun. Assurant aussi la colorisation, il opte pour des camaïeux d’une page assez audacieux et très tranchant selon les pages. Il fait faire monter la tension et le drame par des décors vides où se perdent des personnages comme des chanteurs sur une scène d’opéra.

EVEN est un polar érotique plus qu’un livre pornographique car si le livre figure des scènes explicites, il y en a assez peu. Le dessin très subtil d’Alexei révèle les corps tout en gardant une grande partie dans le noir. Ce récit complet est surtout une charge sociale et plus que tout une histoire d’amours compliqués.

Si les récits charnels vous tentent, nous vous conseillons de consulter les chroniques de Faithless et pour une vision originale du futur d’Undiscovered Country.