L’envers des coulisses du zizi de l’ange chez Delcourt

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Les intermittents du spectacle sont des boucs émissaires parfaits d’éditorialistes qui ne cessent de se plaindre de leur statut. Édité par Delcourt, Le zizi de l’ange démonte tous ces stéréotypes en montrant avec humour la préparation d’un spectacle.

Entre deux spectacles

Les coulisses du zizi de l'ange

Dans le monde d’avant la covid, des spectateurs sortent ravis d’un spectacle de cirque et échangent leurs impressions par des réflexions profondes. Ravis de ce succès, la troupe vient d’achever sa 300e représentation et a l’ardent désir se lancer dans un nouveau spectacle. Après avoir consulté leur calendrier, ils se donnent un an pour le préparer. La scénariste Marion Achard fait la chronique de cette période dans Le zizi de l’ange et le lecteur change durablement d’avis sur les arts de la scène.

Non, les artistes ne sont pas des hurluberlus vivant dans un nuage de création. La troupe commence par gérer leur planning pour dégager du temps de préparation entre les dernières représentations, les résidences. Tout se complique par une proposition, certes immanquable, mais lointaine.

Non, les acrobates ne se nourrissent pas de vent. La troupe, aidé par une agent, doit trouver des financements et il faut parfois dépenser sans être sûr de recevoir l’argent. Le pire, mais aussi le plus drôle pour le lecteur, est une demande kafkaïenne de Pôle emploi. Pour garder son statut, une magicienne doit prouver des liens de subordination bien qu’elle travaille au sein d’une troupe sans chef. Déprimée, elle est malade à chaque répétition.

Déjà autrice de Tamba poignant témoignage sur un enfant soldat, Marion Achard prouve à nouveau son talent pour mêler les faits et l’invention…dans un registre bien plus drôle ici. Dès les premières pages du zizi de l’ange, le vécu de la scénariste, qui a été dans un cirque, transparaît dans les bulles. Elle a su transmettre cette expérience au dessinateur Miguel Francisco. Par le talent de ce duo, le lecteur se retrouve alors au milieu de la troupe en pleine séance d’entraînement.

Les contraintes du groupe

Le planning du zizi de l'ange

La narratrice est une magicienne vivant en couple avec un acrobate. Mais s’ils partagent une même passion pour le cirque, ces deux artistes sont très différents. Elle est aussi organisée et pessimiste qu’il est optimiste et a besoin d’improviser en liberté. Ces oppositions traversent la troupe et créent une tension dès le début. La principale narratrice – sans doute proche de l’expérience de l’autrice – veut un travail collectif mais chacun reste dans sa bulle et elle se sent exclue. Réclamant un son rond, la musicienne a des exigences incompréhensibles pour les circassiens. L’inspiration peut se déclencher dans une salle de bain quand une mousse à raser devient le déclencheur d’une scène.

La magicienne est certes la plus blasée du groupe mais aussi la plus lucide car elle sent que le groupe s’enfonce tandis que les autres sont juste heureux d’expérimenter. Le stress monte pour les artistes mais aussi pour le lecteur au fur et à mesure que la date du premier spectacle se rapproche. Seront-ils prêts ? La troupe va chercher la solution dans un regard extérieur. Cette femme saura créer du lien et les écoutera déverser leurs angoisses mais elle ne pourra aller au bout de l’aventure.

Entre deux repas

Si Le zizi de l’ange suit le travail des artistes, on revient souvent au réel par leur vie quotidienne et familiale. Que faire quand il n’y a plus rien à manger dans le frigo ?  Comme trouver le temps de créer quand il faut aussi s’occuper des enfants ? Étrangement, les plus jeunes sont les plus conventionnels. Le fils cadet espère qu’un jour sa mère aura un vrai travail. La fille aînée, adolescente, est encore surprise par l’excentricité de ses darons mais regrette de ne jamais les voir. Toutes ces difficultés sont écrites avec humour même le plus injuste comme la difficulté d’être enceinte quand on est intermittent.

Dans Le zizi de l’ange, le lecteur découvre ce que l’on ne voit jamais mais cela n’a rien de sexuel. Par le talent de conteuse de Marion Achard, le lecteur découvre les coulisses d’une création. Le dessinateur Miguel Francisco nous ouvre cet espace privé entre deux spectacles. Les spectateurs pensent que les artistes ne font rien…mais le lecteur comprend désormais le stress que provoque cette période intense.

Si vous aimez les croisements entre les arts, nous vous conseillons de lire les chroniques sur Retrouver Ganesh et Les amants d’Hérouville.