L’amour est au fond de la mer

0
809

L’autrice du Garçon Sorcière est de retour. Si elle abandonne le thème de la magie, elle nous conte dans La fille de la mer une brûlante histoire d’amour sous-marine.

Seul(e) au monde

La fille de la mer par Molly Knox Ostertag

Dans les premières pages de La fille de la mer, Morgan Kwon est en train de se noyer et repense à sa misérable existence. Habiter l’île de Wilneff est certes original mais la vie est ennuyeuse. Tout le monde se connaît et se juge. C’est du moins l’avis de Morgan qui ne souhaite qu’une chose : finir le lycée au plus vite et fuir cette prison insulaire. Morgan vit une situation familiale difficile. Sa mère déprime depuis son divorce et son petit frère Aiden est devenu très colérique depuis la rupture. Elle n’est pas isolée mais son groupe d’amies ne le comprend. Elle est attirée par les filles mais il est impossible de l’avouer publiquement. Elle ne pense pouvoir le vivre que dans ses rêves. Pour l’instant, une jeune fille Keltie la sauve et va bien plus loin en s’imposant dans sa vie, quitte à tout bousculer.

Morgan est le moteur de La fille de la mer. Elle est d’un côté une fille forte qui travaille et semble être la seule à avoir dépassé le choc du divorce. Cependant, d’un autre côté, elle joue un rôle avec les autres et n’a pas le courage de faire son coming out. En comparaison, Keltie n’a pas cette pudeur. Elle sait qu’elle a trouvé l’amour et veut l’exprimer librement. Elle refuse d’être transparent. Comme le Candide de Voltaire, elle ne comprend pas les règles sociales. Elle montre ainsi au lecteur l’absurdité de l’intolérance et la lourdeur du conformisme. Le juste portrait de leur amour fait de La fille de la mer une grande réussite. Ce n’est cependant qu’une partie de ce récit aussi vaste que l’océan. Keltie n’est pas seulement venu sur terre pour rencontrer Morgan…

Un monde bien pesant

Molly Knox Ostertag et l'amour

Dans La fille de la mer, l’île de Wilneff est le symbole de la société fermée qui refuse de voir qu’il existe différents amours et qu’ils sont tous aussi beaux les uns que les autres. Morgan joue le jeu au lycée pour rester dans la norme cat la différence est pour elle signe de rejet. C’est la rencontre avec Keltie et les sentiments qu’elle éprouve qui la poussent à se remettre en cause. Molly Knox Ostertag avait déjà abordé le sujet de l’identité de genre dans Garçon sorcière, également publié par Kinaye. Elle continue à donner une image plurielle de la réalité par La fille de la mer sans jamais donner une leçon. Tout passe par la description d’un amour adolescent. Rien n’est jamais pesant : Morgan est métisse mais c’est une simple information en passant.

Les bonus et la postface démontrent combien ce récit young adult est personnel. Molly Knox Ostertag assure l’ensemble des étapes car elle est à la fois scénariste, dessinatrice et coloriste. Son dessin est un habile mélange du comics pour la mise en page et des mangas pour les formes rondes visages. Knox Ostertag joue beaucoup avec la forme des cases pour séparer les différents sentiments et les rêves mais sans aucune ostentation. La représentation des corps féminin est aussi très réfléchie pour montrer la diversité. Fidèle au genre du young adult, les dessins sont assez pudiques – Keltie est motié nu mais l’eau ou la chevelure masque avantageusement les parties indiscrètes – mais le propos est fort.

Destinée aux adolescent(e)s, La fille de la mer évite toute niaiserie pour nous conter une belle histoire d’amour et une ode à l’affirmation de soi. Ce programme resterait froid sans la chaleur du duo très réussi de personnages principaux. Jusqu’au bout, les nombreuses surprises séduiront les jeunes lecteurs mais aussi les plus grands.

Si cette chronique vous a plu, vous pouvez retrouver les chroniques de Snapdragon et de Pilu des Bois, deux autres titres venu de la maison Kinaye.