La métamorphose de l’érotisme dans Oscuro en Rosa

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Alors que l’été commence à s’éloigner et que les vacanciers rentrent chez eux, il est plus que temps de se de demander si l’érotisme ne se niche pas l’été entre deux rivières… Pour le savoir, Oscuro Rosa vous propose de partir à la recherche de plaisirs aquatiques.

Entre rêve et fantasme

La jeune Gloria profite d’une belle journée de printemps pour rêvasser autour des marais. Mais ses pensées la conduisent vers des rivages érotiques. Elle se voit faisant l’amour avec un homme albinos. De plus, un serpent lui dit qu’à chaque orgasme, il viendra lui révéler un secret. Pensant que ce n’est qu’un rêve, elle est extrêmement surprise de constater qu’elle possède désormais un nouvel appendice dans l’entrejambe ressemblant très fortement à un organe sexuel masculin. Plus tard, elle se découvre de nouveaux désirs venus de cette métamorphose. Mais comment avoir une intimité quand son corps est transformé ?

le début en douceur d'Oscuro en Rosa

Oscuro en Rosa décrit un monde incertain. Gloria rêve-t-elle vraiment ? Se trouve-t-elle dans son jardin bien ordonnée ou dans la nature sauvage ? Le marais maritime où elle vit est également un espace entre l’eau et la terre. Le printemps est une saison intermédiaire. Tout ce flou nous prépare à la transformation de l’héroïne. Tony Sandoval qui cumule ici les fonctions de scénariste, dessinateur et coloriste. Il adopte dans Oscuro en Rosa le ton d’un conte car Gloria est la narratrice d’une histoire fantastique. Les animaux y parlent. Un homme albinos surgit des eaux. Dès les premières pages, ce mélange de conte et de récit pour adultes évoque Tim Burton mais qui aurait largué les contraintes des studios pour parler ouvertement de sexualité. On peut aussi penser au dernier film de Guillermo Del Toro pour cette exploration d’une monstruosité paradoxalement très attirante.

Une vision neuve de la chair

Oscuro en Rosa fait partie d’une nouvelle collection autour de l’érotisme des éditions Glénat. Déjà doté de deux autres titres, Porn’Pop supervisée par l’ancienne actrice pornographique, Céline Tran, veut profiter de tous les possibles de la bande dessinée pour donner une vision neuve, engagée et libre de la sexualité tout en divertissant les lecteurs. Les images sont explicites – sans jamais être vulgaires ou pornographiques – et donc la lecture est réservée à des adultes. Par le dessin, Sandoval sait incarner le désir comme le montre le récit et la galerie d’illustration à la fin. La colorisation en aquarelle rend la texture des corps très charnelle mais aussi fluide montrant des corps en pleine mutation. Le dessinateur joue d’ailleurs avec différentes colorisations au fil du récit. C’est loin d’être évident quand un rapport amoureux se transforme en combats mythologiques. On s’en rend d’autant plus compte que le texte est réduit à l’essentiel.

Le fantastique dans Oscuro en Rosa

Le propos est aussi très moderne. Loin d’être un être passif, Gloria est maîtresse de ses actes. Toujours prête à assouvir ses désirs, elle prend littéralement en main les choses. En parallèle, on suit Virginio, voisin de Gloria, qui, comme son nom l’indique, a encore beaucoup à explorer. Son inexpérience ne l’empêche pas de fantasmer sur Gloria. Tony Sandoval fait alors le choix audacieux d’images très oniriques pour évoquer le désir amoureux et physique du jeune homme. En effet, tout n’est pas cru dans Oscuro en Rosa mais le rêve et la chair sont à parité. Adolescent, son corps est en pleine transformation sous l’effet de la puberté ce qui est loin de la ravir. Il vit dans une famille bien plus conventionnelle et fantasme plus qu’il n’agit. Le récit s’élargit ensuite à tout un quatuor adolescent du même pâté de maison.

Une fois la morale du conte dévoilé, Oscuro en Rosa se révèle une très belle rencontre entre le lecteur et le livre mais aussi entre les deux personnages. Plus de plaisirs interdits, ce récit est également la découverte d’un érotisme neuf, frais et ouvert à la modernité ce qui est pour le moins paradoxal dans un conte. Tony Sandoval réussit à mettre en images avec douceur et réalisme ces fantasmes pourtant oniriques. Il est parfois plus maladroit dans les textes un peu chargés.

Si les contes vous plaisent, vous pouvez découvrir notre chronique de La fille du quai ou du Dernier des dieux.