Sans grande surprise, compte-tenu de son ombre terrible sur l’histoire du XXe siècle, Hitler est un personnage central de très nombreuses bandes dessinées. Mais alors que la plupart présente l’ascension du dictateur ou ses actes atroces, c’est sans doute la première fois qu’une série s’interroge sur sa mort.
Où est le Führer ?
Dans cette série en trois tomes publiée par Glénat, le scénariste Jean-Christophe Brisard et le dessinateur Alberto Pagliaro présentent une partie méconnue de la guerre. En 1945, la guerre se termine quand les soviétiques ont pris Berlin. Quelques jours avant, le führer, sa compagne et quelques proches se seraient suicidés plutôt que d’assister à la fin de leurs rêves racistes. Pourtant, le cadavre d’Hitler est introuvable. Est-il mort ? A-t-il fui ?
Un dessin expressionniste
Ce qui marque d’emblée le lecteur ce sont les choix audacieux du dessinateur Alberto Pagliaro. Refusant le choix convenu d’un dessin réaliste, il opte pour une ambiance proche de la peinture expressionniste allemande, avec visages très allongées coupés au canif. La tête d’un cadavre semble parcourue de rivières noires. La colorisation par blocs des couleurs ne vise pas à apporter du relief ou à jouer sur une impression de matière. En effet, le mouvement est apporté par la composition de la case et par le cadrage souvent en diagonal.
Trouver le cadavre
Une fois le choc visuel passé, ce n’est qu’ensuite que le récit séduit le lecteur. En effet, aujourd’hui, on a dû mal à comprendre en quoi un cadavre peut être si important. L’URSS, pays vainqueur veut certes trouver le responsable de la guerre, le coupable de plusieurs crimes de guerre et d’un génocide mais cela va bien plus loin. Staline, bien que toujours vaillant par ses tonitruantes colères rêve d’être déclaré comme le successeur.
La découverte du corps de l’ennemi juré du communisme signifierait gloire et peut-être le poste de président à la mort de Staline. L’échec aboutirait à un voyage bien moins agréable dans les goulags de Sibérie. Être mis de côté peut en effet signifier une mort prochaine. Une course poursuite entre les services d’espionnage soviétiques commence donc par la recherche du cadavre d’Hitler. Le NKVD, ancêtre du KGB, veut réussir avant le Smersh, service du contre-espionnage soviétique en pleine ascension.
Une histoire au fort propos historique
On suit une femme, cheffe d’équipe du Smersh dans la capitale en ruine au milieu d’allemands affamés. Le scénario ne reste pas seulement à Berlin. Il part aussi à Moscou pour montrer les instructions et les espoirs des chefs de ces services d’espionnage. C’est à travers cette recherche que le lecteur enrichit aussi sa culture historique. Notamment sur des faits peu mis en avant. A l’annonce de la mort de leur führer, des centaines d’allemands se sont suicidés par désespoir. Autre exemple : une grande partie de la population était recensée dans des fiches de conformité raciale… La violence est constante et atteint le niveau d’un peuple quand on oublie les individus.
Hilter est mort est une série surprenante tant sur la période historique que par les choix artistiques. Chaque groupe d’espionnage avance sur une piste différente. A la fin de ce premier volume, la recherche semble avoir avancée mais les doutes sont encore nombreux : a-t-on vraiment identifié le bon cadavre ?