Critique « War mother » de Bliss comics : le futur sera féminin

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Un détail conduit parfois les choix de lecture et pour War Mother publié le 22 juin par Bliss comics ce fut la superbe couverture de David Mack. Que se cache-t-il derrière ce titre – la mère de la guerre – et cette robe aux mots inquiétants – protectrice, chasseuse, mère, guerrière ?

Le futur ira mal

Ce volume est une compilation de cinq épisodes sur le même personnage avec un épisode de 4001 A.D. : War mother publié par Valiant Entertainment en août 2016 et la mini-série War Mother publié en août et novembre 2017. L’ensemble est écrit par Fred Van Lente (Conan, Archer and Armstrong). Le premier épisode est l’œuvre de l’artiste argentin Tomás Giorello (Conan, X-O Manowar) qui va avoir un grand rôle dans les prochaines sorties de Bliss avec Ninja-K – en janvier 2019 – et le crossover – Harbinger Wars en mai 2019. La mini-série est dessinée par l’artiste philippin Stephen Segovia (Wolverine). Bliss termine ce volume en intégrant l’ensemble des couvertures et dessins avant la colorisation.

Ce personnage est venu des pages de Rai, une autre série de Valiant, mais grâce au premier épisode de présentation, on comprend très facilement quel est son rôle et la situation de la Terre en 4001. Le monde du futur a très mal tourné avec des guerres et des catastrophes naturelles qui ont ravagées la Terre. Des cités-états indépendantes se forment et tentent de résister. L’une d’entre elles, Le Bosquet, est menacée de disparition mais la War Mother, protectrice de son peuple, va tenter d’assurer la survie.

On est très vite plongé dans la science-fiction dystopique avec des villes envahies par la nature, la jungle et les mutants menaçants derrière les murs protecteurs de la cité. Dans la cité, des survivants vivent au milieu des ruines. La langue a évolué car les Hommes ont perdu le vocabulaire technique et ils ont inventé d’autres mots – l’observe-ciel pour le guetteur ou l’astronome.

Une chasseuse au service de son peuple

Une superbe couverture

Le Bosquet est une cité auto-suffisante à 95% grâce aux machines anciennes d’avant la catastrophe. Le reste est fourni par la chasse de la War Mother qui part récupérer hors de la cité les morceaux de la cité tombés du ciel. Elle utilise pour cela un fusil équipé d’une aide électronique à la visée – HALO – qui parle et obéit uniquement à la War Mother. Le dialogue avec son arme est souvent intéressant et permet de connaître les sentiments de cette guerrière isolée dans la jungle.

Elle n’a le droit de ramener uniquement des matériaux non-organiques mais, dans un débris venu du ciel, elle trouve un enfant. Doit-elle sacrifier sa morale pour survivre ? Ce ressort est d’autant plus fort qu’il est fait allusion à son infertilité – « rien ne peut survivre en moi » – et c’est son rôle qui lui offre une famille d’adoption. War mother a été créée génétiquement pour défendre son peuple mais tout ce qu’elle touche meurt. Le chef du Bosquet choisissait en effet les couples pour leur potentiel génétique.

Des dessins au niveau

Tomás Giorello réalise un très bel épisode par les décors et de belles idées graphiques– la porte qui parle, les mains chauffantes de War Mother – même s’il n’est pas au sommet par rapport à X-O Manowar. Stephen Segovia le remplace pour les épisodes suivants mais on ne voit pas trop la différence de style. On retrouve en particulier une gamme proche de couleurs. D’autres dessinateurs représenteront aussi certaines pages de ces épisodes ce qui est une spécialité de Valiant.

Un récit écologique

Le monde du futur entre jungle et ruines

Van Lente creuse l’origine de la symbiose de la ville avec la nature en montrant que par la destruction de ce lien, la cité meurt. War mother doit aller trouver un autre lieu. La responsabilité repose sur une femme et son mari en a honte même si « papa sera toujours là » pour ses enfants. Cette part féministe du récit est très intéressante d’autant plus que la War Mother fera une erreur dans le choix de la nouvelle cité. Cette cité symbolise une aristocratie en déchéance – des serviteurs robots tenue du XVIIe siècle, des peintures anciennes au mur et une langue châtiée. Cet organisme, La Montana, refuse le changement alors que le fils adoptif de War Mother venu du ciel prône la sélection des espèces. Très inquiétant, il veut sa mère pour lui seul. War Mother devra lutter ce conservatisme pour permettre une renaissance.

Just Focus s’envole vers le futur avec ce récit complet dans la jungle. Derrière un récit d’action très prenant et bien réalisé par Giorello et Segovia se cache un récit plus profond, écologique et féministe. Par ce volume, War Mother dépasse Mad Max.