Critique de La part de l’ombre (tome 1), faut-il tuer Hitler ?

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Hitler est souvent présenté comme un chef incontesté de l’Allemagne de sa prise de fonction jusqu’à son suicide mais la vérité historique n’est pas si simple. Justement, Glénat dans La part de l’ombre, propose de le comprendre dans ce premier volume sorti en janvier.

Le récit d’un attentat manqué contre Hitler

Le 9 novembre 1938 à Munich, un homme prie seul dans une modeste chambre. Sortant dans la rue, son visage impassible contraste avec les nombreuses personnes en joie autour de lui. On voit que chaque habitant est gonflé d’un orgueil nationaliste alors qu’elle accueille le führer Adolf Hitler. De plus, la ville s’est pavoisée au couleur du Reich. Cet homme s’avance vers le stade et se présente comme un reporteur suisse mais, alors que tous les regards se tournent vers Hitler, il sort un pistolet et tente de le tuer. On apprend très vite que cet homme s’appelle Maurice Bavaud et qu’il a été exécuté en 1941

Selon la thèse officielle de la justice, Bavaud a agi seul et ce serait un fou. Très pieux, le scénario nous montre son passage dans un séminaire catholique intégriste opposé à Hitler. Il y est ami avec un russe exalté qui se prend pour le cousin du tsar et veut éradiquer le communisme et les juifs avec l’aide d’Hitler. Si Hitler refuse son soutien, ce camarade propose de le tuer.

Une journée de fête

Bavaud n’est pas présenté comme un héros car en prison, il a peur de mourir. Il n’a certes pas réussi mais cet attentat a eu une conséquence assez inattendue. La paranoïa croissante du Führer le pousse à exiger la disparition de toutes les représentations de Guillaume Tell en Allemagne. La part de l’ombre est donc un diptyque historique sur l’attentat le plus avancé contre Hitler. Le scénariste n’hésite pas à donner par la voix du juge un extrait de la décision du tribunal.

Berlin coupé en deux

Le scénario de Pat Perna est cependant plus complexe. En effet, dès les premières pages de La part de l’ombre alors que Maurice Bavaud quitte la parade, le lecteur se retrouve brusquement en tournant la page dans la rédaction du Berliner Zeitung en 1955 à Berlin-Est. On y suit le jeune apprenti reporter Wolf Fiala qui seconde le désabusé Guntram Muller. Pat Perna propose ensuite des passages plus souples ensuite entre les deux périodes historiques : le lecteur voit le père triste au tribunal en 1955 puis le même sentiment en 1938. Fiala et Müller vont partir de l’échec du procès en révision de Maurice Bavaud pour tenter de percer les nombreux mystères de l’affaire. Ils sont bien les seuls à s’y intéresser car la salle du tribunal est vide. Le lecteur découvre progressivement le reporter Muller bien plus trouble – à l’image de l’Allemagne de l’après-guerre. Il était inspecteur de police à l’époque du Reich et c’est lui qui a enquêté en recours sur Bavaud.

Cette partie permet également de comprendre la vie en Allemagne pendant cette période tendue de la guerre froide. Le passage entre les deux parties de Berlin est encore aisé avant la construction du mur. Par les images, on voit le contraste entre la partie est de Berlin encore marquée par de nombreuses stigmates de la Seconde Guerre mondiale, mais couvertes d’affiches de propagande, et Berlin-Ouest qui brille par les devantures neuves et les publicités. Francisco Ruizge apporte son talent pour mettre en avant le récit. Il a un style très classique dans les formes, mais en y ajoutant un trait vif et une mise en page fluide et variée. Il joue sur le cadre pour marquer les deux périodes temporelles : noir pour les années 30 et blanc pour les années 50. Par un habile jeu sur les couleurs, il montre l’horreur de la guillotine. On peut également souligner la couverture très réussie mêlant une affiche très symbolique d’Hitler avec le portrait plus réaliste de Maurice Bavaud.

Un journal de Berlin-est

Ce premier tome de la part de l’ombre s’inscrit dans la grande tradition franco-belge de la bd historique. Assez classiquement, le lecteur s’identifie au jeune journaliste découvrant à la fois son métier et l’affaire Bavaud. Le dessin classique et le scénario multipliant les pistes dans le passé et le présent font penser à Il était une fois la France, mais il manque pour l’instant une profondeur à ces personnages historiques.

JustFocus avait également chroniqué un titre récent sur la chasse du cadavre d’Hitler ici et un autre titre plus politique sur les États-Unis sur ce lien.