Dans ce 12ème tome des futurs de Liu Cixin Le Calcul du papillon, Dan Panosian s’attaque à une histoire d’amour entre un père et sa famille sur fond de guerre dans l’ex-Yougoslavie. Servie par un joli dessin, cette histoire touchante souffre malheureusement d’un discours politique maladroit et mal intégré à la trame principale.
Un père et sa fille
1999, en réponse aux attaques de l’armée serbe sur la population du Kosovo, les forces aériennes de l’O.T.A.N entament une opération du bombardement sur Belgrade. Les attaques frappent tous les jours la capitale serbe qui encaisse les coups sans pouvoir résister. En effet, les forces serbes sont dépassées par la puissance de feu et l’avance technologique de l’O.T.A.N. Le pays semble sur le point de céder.
Aleksander, jeune mathématicien serbe, est inquiet. Sa fille Katya souffre d’insuffisance rénale. Si elle a pu recevoir une greffe de sa mère Eléna, son état est toujours fragile. Elle doit régulièrement recevoir des injections. Or, avec ces bombardements, il devient de plus en plus difficile d’obtenir le traitement. Aleksander décide donc de passer outre sa hiérarchie et de lancer son projet de modification du climat. Mais il a besoin d’accéder à un supercalculateur.
Le Calcul du papillon : la théorie du chaos
Toute la dimension science fictionnelle de ce récit s’appuie sur les mystères de la météo et de la célèbre phrase : « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ». Le jeune Aleksander semble avoir percé les mystères de l’atmosphère et entame un tour du monde. Des minuscules perturbations semblent avoir la capacité de transformer durablement le ciel au-dessus des Balkans.
L’histoire se transforme dès lors en une double course contre la montre. La première se base sur l’accès à un supercalculateur. C’est, en effet, le seul instrument capable de déterminer avec précisions les lieux où provoquer l’effet papillon. Le problème, c’est que ces ordinateurs sont contrôlés par l’O.T.A.N ou ses alliés. La seconde course s’appuie sur la durée des modifications météorologiques. Si Aleksander ne parvient à « stimuler » tous les points sensitifs dans un laps de temps assez court, son plan s’effondre.
Tragédie yougoslave
La force de ce récit réside dans un arrière-plan géopolitique. Il s’attarde en effet sur un moment tragique de l’histoire européenne et dont les stigmates sont encore visibles : les guerres Yougoslaves entre 1991-1999. Nées de la combinaison de la chute du communisme, de la montée du nationalisme et de tensions religieuses, politiques héritées des siècles passés, elles provoquèrent l’éclatement du pays et un cortège de crimes : épuration ethnique, massacre…
Les plaies de ces guerres ne sont pas refermées dans Le Calcul du papillon. La femme du héros, bosniaque d’origine, a dû rompre avec sa famille qui refusait son union avec un serbe. Le héros doit protéger son pays engagé dans une nouvelle guerre civile avec la minorité albanaise du Kosovo. Rien n’est dit sur son idéologie si ce n’est qu’il est pris entre deux feux : les actions de son gouvernement et les forces de l’O.T.A.N. Son histoire est celle de la tragédie de tout un peuple contaminé par le poison du nationalisme, jeté dans le brasier de la guerre et irrémédiablement divisé.
Le Calcul du papillon : un discours politique maladroit
Ce récit offre une réflexion politique, philosophique qui alterne le meilleur et le moins réussi. Ce qui est réussi, c’est d’abord l’interrogation sur l’interventionnisme de l’O.T.A.N. En nous proposant de suivre un couple de serbes, cette histoire nous permet de connaître le point de vue des perdants même s’il se situe du mauvais côté de l’histoire. Ce qui est aussi intéressant, c’est le questionnement sur le deux poids de mesure en comparant l’intervention internationale dans les affaires yougoslaves et l’inaction au début du génocide rwandais.
Ce qui est moins pertinent, c’est le discours critique anti O.T.A.N. Celui-ci a deux défauts. Le premier c’est qu’il passe sous silence tout le contexte expliquant cette invention. Le second, c’est qu’il est plaqué sur l’histoire comme le souligne la très maladroite fin de ce volume. C’est un problème que nous avions déjà relevé dans l’album Brouillage intégral et qui tient certainement au point de vue de Liu Cixin, auteur chinois.
Dans la série des Futurs de Liu Cixin, Le Calcul du papillon est, pour le moment, l’album le moins convaincant. Le très poignant drame familial est desservi par un discours politique bancal. Vous pouvez retrouver l’intégralité de la série auprès des éditions Delcourt