Critique « Birdking (livre 2) » – CROM et David Freedman

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Birdking tome deux
Birdking tome deux

Le dieu muet et la jeune forgeronne reviennent dans le tome deux de Birdking. Ce duo improbable quitte désormais les territoires connus et rentre dans une zone de conflit.

Un voyage vers l’Inconnu

Le premier livre de Birdking suivait Bianca, apprentie forgeron, qui, par maladresse, forçait son maître Thonir à partir en quête pour le roi nécromancien Aghul afin de reforger la lame spectrale d’Aduren. Cependant, son maître est trahi par un proche d’Aghul et Bianca réveille l’esprit du roi de la Colline aux Plumes. Ce géant mutique obéit à ses moindres demandes et lui sert de garde du corps. Elle décide de quitter son royaume pour trouver la terre légendaire d’Atlas et arrive dans les montagnes d’Hinnom. Un vendeur ambulant la prévient : elle ne connaît personne ayant franchi ces monts. Avec Birdking, elle découvre un immense champ de bataille. Ils trouvent des compagnons de voyage et traversent des lieux incertains : les marais et des tunnels où se produisent des phénomènes surnaturels. Les noms des lieux sont très poétiques comme la route des chemins fourchus, le chemin des vers…

Le voyage dans Birdking ne sert pas seulement à échapper à Aghul mais vise aussi à des retrouvailles familiales. Bianca recherche sa mère. La jeune fille a changé depuis le premier tome. Elle reste impertinente et courageuse car elle ne craint pas les soldats. Pourtant, son rêve de gloire et de guerre a disparu laissant la place à un mépris des pouvoirs tant civils que religieux. Elle rêve désormais de liberté. Son corps est marqué par les expériences. En plongeant sa main dans le feu, sa peau s’est couverte d’une longue cicatrice en forme de veine. Ce signe révèle sa qualité d’élue possédant un don. Pourtant, elle est indépendante et décide seule. Elle appartient à un peuple insoumis qui cherche le regard de l’autre. Cela correspond à cette jeune fille qui cherche la reconnaissance familiale.

Le duo au centre de Birdking tome deux
Le duo au centre de Birdking tome deux

Une quête dans la noirceur

Bianca et son compagnon se lancent dans une quête typique de l’heroic fantasy : un humble personnage est contraint de quitter ses habitudes. Bianca aimait l’aventure mais n’avait jamais quitté son village. Devant les dangers du périples, elle regrette sa paisible vie passée. Un monstre apparaît composé de vers se coagulant pour former un géant de chair. Comme avec Thonir, Bianca est associée avec un compagnon de voyage très étrange. Elle parle beaucoup mais Birdking ne prononce aucun mot et n’a aucune réaction. Une révélation pousse le livre dans une nouvelle direction. De plus, la famille de Bianca est plus élargie qu’elle ne le pensait. La forme prolonge également le genre de la fantasy. Le livre est divisé en chapitres avec au début une citation.

Birdking présente un monde sombre. Le pouvoir n’apporte pas de bienfaits au peuple mais mène constamment à des guerres dont le sens échappe aux paysans. Subissant de multiples fléaux, le peuple ne trouve même pas le repos après la mort. La religion est aussi néfaste car le dieu diffuse une mythologie violente et réclame des sacrifices humains. Les missionnaires sont un malheur. Le Birdking n’est pas la seule créature étrange ou l’unique spectre : la tête du général Raksarsivian est remplacée par une citrouille en métal. Ces personnages sont des machines de guerre. Le dessin sert cette tonalité sombre. Les corps sont couverts de cicatrices, de plaies ouvertes et courbent sous le poids de la guerre. Dans cette société violente, Bianca et Birdking font exception. Ils refusent de combattre mais cherchent un abri, un eden. Dans la dernière partie, la compagnie autour de Bianca et du Birdking débouche dans un monde radicalement différent, structuré et pacifique.

Le dessinateur Crom dépasse le genre de l’heroic fantasy. Il s’inspire de multiples sources et ce deuxième livre en révèle de nouvelles. On voit l’influence des cartes annotées comme la carte du Tendre. Ce volume est très graphique en jouant avec les codes de la bd. Les onomatopées ont un grand rôle. Elles ponctuent l’action et décorent les cases. Il y a aussi des pages illustrées sur les artefacts magiques comme dans les règles d’un jeu de rôle. Le dense cahier graphique montre les recherches des nouveaux personnages. Les formes quittent les réalisme. Des spectres sont des géants aux corps massifs. Une sorcière porte une chapeau si grand qu’il dissimule son visage. CROM opère un contraste entre des décors réduits à l’essentiel et des visages plus heurtés voire parfois laids.

Édité par Les Humanoïdes Associés, ce deuxième tome de Birdking prolonge les forces du premier en construisant, autour d’un duo fort,1 une quête. Le monde de Bianca s’élargit. Ses nombreuses aventures et rencontres donnent un grand dynamisme à un récit brillant par la coexistence entre l’espoir d’un enfant et la noirceur de la guerre.

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