Célestin vous ouvre le Cœur de Vendrezanne

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Publié par Delcourt, Célestin est la troisième histoire des contes de la Pieuvre. Un récit sur les tentacules de la mafia italienne ? Pas vraiment même si un peu… En tous cas, c’est bien plus étrange.

Un héros très discret

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Célestin est un serveur efficace mais réservé à l’auberge de la Pieuvre à Paris. Il est si timide qu’il a préféré cacher son talent pour éviter que les autres profitent de lui. Discerneur, il peut voir la vraie personnalité des gens. À ses yeux, tous les êtres humains ont l’apparence de monstres. Gess alterne des cases du monde réel et de ce monde inquiétant vu par les yeux de Célestin. Il arrive même à lire l’âme des gens dans leurs yeux. Cependant, il reste positif : il veut rendre chacun heureux. Il faut dire qu’il est la seule bonne âme au milieu de criminels. Il a l’habitude de cette faune car son père l’avait déposé très jeune au café mais il n’est jamais revenu. Il est logiquement devenu le serveur de l’auberge et il en est fier. Ses patrons sont les quatre chefs de la pègre. Chacun possède un sens hypertrophié.

Célestin et le Cœur de Vendrezanne

Le début de Célestin et le Cœur de Vendrezanne crée un mystère aussi dense que le brouillard de la capitale à l’époque. Un prologue voit un enfant attaqué par un organe flottant, le cœur de Vendrezanne puis le premier chapitre montre un groupe d’enfants de rues perdu dans les carrières de Montmartre. La suite du livre se chargera de dissiper cette brume. Par Célestin, on pénètre les entrailles de la Pieuvre même si une grande partie de l’action se déroule dans l’auberge et autour. Le récit suit en parallèle ses déambulations et les tentatives d’un chef de gang, l’Œil, pour protéger l’accouchement des menaces du cœur de Vendrezanne. Dans la dernière partie du volume, ces deux récits parallèles se rejoignent dans un coin de rue de Paris. Le drame se noue et touchera chacun.

Un passé neuf

Célestin fait partie des contes de la Pieuvre une série composée de plusieurs récits complets qui se déroulent à des périodes historiques différentes mais dans un univers de fantaisie. Célestin est aussi une plongée chez les déclassés de Paris. Bien entendu, il s’agit d’un récit fantastique et donc très libre mais il permet tout de même au lecteur de découvrir la misère de certains, les enfants perdus et le milieu criminel.

La magie vient perturber le récit historique. On découvre cependant le passé de la capitale. L’auberge était au départ en campagne avant d’être avalée par l’urbanisation tentaculaire de la capitale. En quelques cases, Gess raconte l’arrivée du train, l’intégration dans les remparts et la construction des rues. De plus, l’auberge n’est pas située dans les beaux quartiers mais aux Batignolles où les malfrats se retrouvent après avoir été chassés du centre par les travaux d’Hausmann. On découvre les plans criminels des malfrats de la zone et leur vocabulaire fleuri. Malgré les monstres, rien n’est d’ailleurs plus effrayant que cette morgue où les corps d’anonyme étaient exposés au public derrière des vitres pour faciliter leur identification.

Célestin contre le Cœur de Vendrezanne

Gess, à la fois scénariste et dessinateur, utilise des évènements historiques parfois même banals (une période de grand froid en 1879) pour rendre son récit plausible. Son dessin au feutre noir fin semble également inspiré par la gravure de cette époque même si une rue de la bd s’appelle Tardi comme le créateur d’Adèle Blanc-Sec, référence obligée. La conception du livre est aussi pensée pour évoquer ce passé. Le joli dos toilé du livre plonge le lecteur dans le passé. Le format carré est plus proche du format des romans ou des livres d’enfants de l’époque tout comme le récit par chapitre. Le papier est jauni et tâché sur certaines pages.

En lisant les premières pages, le lecteur s’attend à un récit intime centré sur quelques personnages mais rapidement, il découvre une faune hallucinée dans l’auberge de la Pieuvre et le livre se termine par une bataille rangée digne d’un blockbuster. Par ce troisième tome, les contes de la pieuvre se révèle donc une passionnante série de fantastique et une plongée dans les sombres quartiers de Paris au XIXe siècle.

Si vous aimez les récits historiques, n’hésitez pas à plonger dans l’enfer de Shanghai Red ou dans Once & Future.