Ce livre est Immonde !

0
675

Alors qu’ils vont bientôt quitter le lycée tranquille, deux adolescentes et leur ami sont confrontés à la réalité de leur ville et elle est Immonde

Un âge pas si tendre

Immonde par Elizabeth Holleville

Deux adolescents français, Jonas et Camille, habitent à Morterre. Le lycée est une longue peine de prison. Certains lecteurs pourraient même revivre des souvenirs comme les fiches que chaque élève remplit en début d’année. Les jeunes sont collés à leur portable et certains préfèrent s’inventer une vie que de profiter de leur jeunesse. Il faut dire que les parents sont incapables de les comprendre. Les deux adolescents s’ennuient et s’échappent de leur morne quotidien en créant des films d’horreur en amateur. Ils sont les marginaux de la ville et préfèrent être créatifs mais, en même temps, ils rêvent de devenir des stars de YouTube. Nour arrive, quant à elle, de Paris sans aucune joie. Cette nouvelle élève transforme leur quotidien en faisant basculer l’horreur des films à la réalité.

Immonde donne une vision très moderne de ses personnages. Jonas est métis. Camille conteste les normes de genre. Nour est engagé pour défendre l’environnement faisant le choix de devenir végétarienne. Immonde brosse le portrait choral d’une adolescence plurielle. La vie banale des adolescents explose avec l’irruption du fantastique. Cette invasion commence par un chien avec un œil totalement déformé puis un être humain souffre de la même protubérance. Immonde fait alors penser à la bd Black Hole de Charles Burns mais aussi au film Super 8.

Une ville soumise à une usine

Les pages sur la jeunesse alternent avec une froide description du fonctionnement de l’usine Agemma. Cette ville survit grâce à la mine de l’Agemma qui extrait des minerais radioactifs. Immonde vise alors plus large en montrant la forte emprise de la mine sur la ville. Son installation a sauvé les habitants du chômage et a permis l’arrivée de nouveaux habitants. Le tommium est une roche miraculeuse en fournissant bien plus d’énergie que l’uranium. Le patron dirige son usine mais également la politique de Morterre. Nour, jeune activiste critique son père qui vient travailler sans remords pour ce pollueur. Pourtant, il est le premier surpris des dysfonctionnements dans l’usine. Au fil des pages, cette usine paraît de plus en plus étrange. Qu’est-il arrivé à cet employé disparu ? Pourquoi le directeur ment-il à la police ? Tout sera révélé à la moitié du livre faisant basculer Immonde dans une ambiance de film catastrophe.

La mine selon Elizabeth Holleville

Une autrice à suivre

Elizabeth Holleville est à la fois scénariste, dessinatrice et coloriste. Indépendante, elle peut alors proposer une œuvre totale et radicale. Le scénario introduit de l’étrangeté et insiste sur l’esprit critique sans pour autant verser dans le complotisme. Pour le dessin, elle refuse la dictature des textures numériques préférant des aplats et le sublime choix de couleurs marquantes. A l’image de la couverture, la gamme chromatique est réduite et un violet très foncé domine. Le cadrage est souvent ingénieux, les pleines pages procurent une impression de vertige mais on peut trouver les visages irréguliers selon les cases. Heureusement, les inventions graphiques sont nombreuses comme ces discussions qui se matérialisent dans la case pour montrer que les adolescents vivent dans leur monde.

Avec Immonde, édité par Glénat, Elizabeth Holleville montre que les mutations de l’adolescence sont bien moins dangereuses que le réveil de la terre agressée. Au fil des pages, la mine Agemma creuse le sol tout comme le lecteur pénètre dans la personnalité et le passé des trois personnages principaux.

Si cette chronique vous a intrigué, vous pouvez retrouver d’autres textes entre l’horreur et la science-fiction avec Skyward et Automnal.