Interview Arnaud Le Gouëfflec : Underground est le « panthéon » de la musique indie

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Depuis le 14 avril, la bande dessinée Underground d’Arnaud Le Gouëfflec en collaboration avec le dessinateur Nicolas Moog est disponible dans tous les points de vente. Les deux hommes racontent la vie d’artiste au destin plus ou moins tragique. En feuilletant ces pages, Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog emmènent leurs lecteurs dans un voyage spirituel au sein de la musique underground. Qu’on connaisse ou non ces « Rockers maudits et Grandes Prêtresses du son », cette bande dessinée est la nouvelle bible de la musique indépendante. Avec Underground, vous allez devenir fan de ces artistes hauts en couleur. Rencontre avec le scénariste d’Underground, Arnaud Le Gouëfflec.

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Après la sortie en 2015 de Face B, votre bande dessinée sur le rock du 20ème siècle, Underground, est une nouvelle collaboration avec le dessinateur Nicolas Moog. Pourquoi avoir choisi de faire cette fois-ci une bande dessinée sur la musique underground ?

A.L.G. Depuis très longtemps, j’ai un goût pour les personnages un peu “bigger than life”. Quand j’étais plus jeune, je m’intéressais beaucoup au surréalisme. Comme par exemple, Salvador Dali. Je me disais que les surréalistes étaient des personnages fascinants parce qu’ils étaient complètement à rebours de tout conformisme. Ils étaient complètement à part. Aujourd’hui, ils incarnent une forme de liberté de ton. Quand je me suis intéressé au rock, assez vite, je me suis rendu compte qu’il y avait aussi un certain nombre de figures surréalistes et hautement fascinantes, qui avait construit des œuvres parfois énormes. Dans un autre souci que celui de forcément faire un hit ou d’avoir un succès fracassant. Et cela m’a passionné. Lorsque j’ai découvert The Residents, ça a été comme un coup de fouet. Je me suis dit, comment il est possible que ce genre de choses existe et que je ne sois pas au courant. Et donc voilà, j’ai passé ma vie, environ une trentaine d’années à chercher, écouter et accumuler des informations sur la question. C’est quasiment une aventure quotidienne c’est par conséquence logique de parler de l’underground. Un jour, j’ai eu l’opportunité de faire une chronique dans La Revue dessinée. La rédaction a accepté l’idée qu’on puisse faire avec un dessinateur une chronique sur des figures méconnues ou obscures voire même underground. C’est à ce moment-là, en 2013, que j’ai rencontré Nicolas Moog, qui m’a été présenté par l’équipe de La Revue dessinée. On a donc fait une chronique tous les trimestres quasiment sur ce sujet-là.

Comment avez-vous élaboré votre bande dessinée ?

A.L.G. C’est souvent une discussion en amont avec Nicolas Moog pour savoir si tel artiste nous paraît plus opportun qu’un autre. On tombe toujours d’accord. Après, j’écris un scénario de bande-dessinée et Nicolas le dessine ensuite.

Daniel Johnston
Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?

A.L.G. D’aussi loin que je me souvienne, on a dû vachement réfléchir avec Nicolas Moog. On a hésité mais étant amateurs de noir et blanc pour des questions assez esthétiques et puis aussi parce qu’on a tous les deux beaucoup lu les bandes dessinées de Robert Crumb sur le blues par exemple. Robert Crumb a vraiment posé quelque chose en termes d’écriture de bande-dessinée. Quand il écrit la biographie du guitariste britannique Charley Patton dans Mister Nostalgia, il y a ce magnifique noir et blanc, qui me parait dans son austérité, un contre point à l’excentricité des personnages. C’est-à-dire eux, ils sont vraiment “too much”, mais le trait donne une certaine forme d’austérité et le fait de ne pas rajouter de la couleur permet de créer un contraste dynamique. Dans Underground, les artistes sont des personnages hauts en couleur mais la manière dont on les présente donne une forme de retenue.

Quels ont été vos critères de sélection des artistes dans Underground ?

A.L.G. Le premier critère était de prendre des artistes avec une discographie étoffée. Par exemple, Sun Ra c’est 200 à 250 albums. Dans le cas d’Eugene Chadbourne, un célèbre guitariste américain, on est dans une discographie incalculable. Personne ne sait vraiment combien d’enregistrements il a pu réaliser, peut-être 500, voire plus, c’est considérable. Le deuxième critère c’était de faire en sorte qu’il y ait une mixité entre les artistes féminins et masculins.

Pour la préface de votre bande dessinée Underground, on retrouve un texte du spécialiste du rock et journaliste Michka Assayas. Comment cette collaboration est-elle née ?

A.L.G. J’ai connu Michka Assayas en tant que lecteur de son Dictionnaire du rock chez Robert Laffont. Cet ouvrage a été un livre de chevet pendant des années et j’y ai puisé énormément d’informations. Pour moi, il fait partie des plus grands journalistes et encyclopédistes du rock français. Quand il a accepté de faire la préface, nous avons été ravis. J’ai même découvert certains artistes grâce à son Dictionnaire du rock. Certains artistes sont même dans la bd, Eugene Chadbourne et Tall Dwarfs par exemple.

Comment vous êtes-vous renseigné pour avoir tous ces renseignements sur ces artistes justement underground ?

A.L.G. J’ai rencontré certains journalistes et critiques connaisseurs de ces artistes. Après, il y a des années de lecture de presse rock comme par exemple, Rock and Folk ou bien Les Inrocks. Il y a eu beaucoup de recherches sur internet également. Il y a même des informations de première main qu’on a pu avoir des artistes eux-mêmes. Quand je me lève le matin, la première chose que je fais est de faire des recherches sur ces artistes.

En parlant d’informations de première main… À des moments vous parlez dans Underground de la scène de Tucson, du Krautrock, du Dub ou bien du Black Metal où vous vous mettez en scène. Pourquoi avoir choisi de vous mettre en scène ?

A.L.G. Le passage sur le Black Metal s’est vraiment passé comme ça. En fait, j’ai trouvé ça amusant de voir quelqu’un mettre en scène quelqu’un qui cherche à avoir des informations. L’enquêteur fait face à quelque chose où visiblement tout a été fait pour qu’il n’y ait pas d’informations sur le sujet. Ces artistes de Black Metal s’appelant « Les Légions Noires » ont tout fait pour disparaître des radars et pour être totalement underground. J’ai vite compris que la bonne manière de les raconter était de m’incorporer dans l’histoire. Au lieu de faire croire que les informations sont disponibles, j’ai tout de suite voulu mettre en scène un enquêteur, en l’occurrence moi, et pour information, cette histoire est totalement vraie.

En 2006, vous avez créé Le festival invisible, est-ce que cette bande dessinée est une continuité logique de votre festival ?

A.L.G. Oui complètement. Le festival invisible on l’a créé ma femme et moi en 2006, notre idée était de rencontrer les artistes chez nous à Brest en Bretagne. Un endroit assez excentré des routes empruntées par les artistes internationaux pour leurs tournées. Avec ma femme, on voulait créer un pôle attractif pour que certains artistes viennent à nous. Et effectivement, c’est exactement la même réflexion dans ce livre.

Moondog

Comment définiriez-vous votre bande dessinée Underground ?

A.L.G. Underground c’est un panthéon personnel pour Nicolas et moi. Cette bande dessinée met en scène tout une mythologie. Le 20ème siècle était une époque un peu triste par certains côtés. La mythologie grecque, on la retrouve dans le rock underground. Avec ce personnage de viking aveugle, qui mendie dans la rue. Un autre, qui prétendait venir de saturne ou qui a un œil à la place de la tête. On a l’impression que ce sont les cyclopes ou les Ulysse d’autres fois. Des figures mythologiques égarées dans le 20ème siècle. La mythologie du rock m’a toujours fasciné.

Arnaud Le Gouëfflec

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