Mileva Einstein : science et culture au théâtre de la Reine Blanche

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Actuellement au théâtre de la Reine Blanche, à deux pas du métro La Chapelle, se joue Mileva Einstein. Cette pièce éponyme met en lumière l’épouse méconnue d’Albert Einstein. A travers son personnage sont abordés deux thèmes centraux : la place des femmes dans la science et le conflit Eglise-Science.

 

Femmes, science et culture : un cocktail délicieusement explosif

Ce n’est pas tout à fait un hasard si cette pièce d’Angelo Corda a trouvé sa place au théâtre de la Reine Blanche. La directrice de ce lieu, qui nous fait le bonheur de nous accueillir pour nous présenter le spectacle, est elle-même une femme de science et de culture. Et elle entend bien défendre et conjuguer les deux. C’est le pari qu’elle réussit depuis qu’elle a repris ce théâtre en lui impulsant une nouvelle vie.

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Mileva Einstein – crédit photo Virginie Gibert

Côté scène, la pièce oscille entre l’atmosphère d’un film d’espionnage et celle d’un film d’aventures. Elle crée ainsi un rôle complexe pour Aude Kerivel, que l’on croit tantôt acquise à la cause de son mari, tantôt passée à l’ennemi (le Vatican). La comédienne réussit brillamment le volet mystérieux et audacieux du personnage. On est surpris avec plaisir et l’on tente de deviner jusqu’au bout ses intentions. Mileva Einstein, telle qu’elle est dépeinte, pourrait sans rougir revendiquer la maternité des James Bond girls.

 

Science, croyances et politique : une liberté pas si ancienne

La pièce fait un rappel salutaire sur la distinction nécessaire entre le religieux, le politique et le domaine scientifique. A l’heure actuelle où les esprits s’échauffent, la position ferme et libre d’Albert Einstein, son combat pour la vérité loin de l’obscurantisme n’est pas dénué d’intérêt,

Il est cependant regrettable que le thème ne soit pas davantage approfondi dans le texte. A l’exception du tableau entre Albert Einstein et l’émissaire du Vatican, les causes du conflit ouvert entre les deux partis ne sont que survolées. On aurait aimé voir évoqués, rappelés, peut-être même de façon davantage philosophique, les motifs profonds qui poussaient l’Eglise à voir en la science une ennemie. On aurait aimé que le combat d’Albert et Mileva Einstein soit plus fourni intellectuellement.

 

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Mileva Einstein – crédit photo Virginie Gibert

Tableaux, ellipses et rebondissements

La structure de la pièce permet des confrontations bien ourdies des différents protagonistes : le couple Einstein, Mileva et son futur amant (l’émissaire du Vatican), les deux émissaires du Vatican, Albert et l’émissaire du Vatican. Différentes facettes des personnages s’élaborent alors. Ainsi, c’est avec un infini bonheur que nous voyons évoluer un Albert Einstein pur et borné à l’excès, devenant presque comique malgré lui, incarné par un Arnaud Cermolacce qui semble se délecter de ce rôle où il excelle. Quant à l’émissaire du Vatican, interprété par le formidable Marc-Henri Lamande, il est délicieux de sophistication et de concupiscente décadence pour l’homme de foi qu’il est censé être. 

Certaines ellipses sont en revanche plus maladroites. Celle du voyage en Italie notamment où l’insertion de photos crée une dynamique particulière qui ne s’insère pas de façon très fluide dans la pièce. On regrettera également l’intervention trop courte du quatrième personnage. On aurait attendu que ce second émissaire à l’accent allemand très prononcé, concurrent du Vatican, revienne pour jouer le personnage du journaliste censé publier les travaux d’Einstein. C’est d’autant plus frustrant que Thomas Ganidel joue agréablement le côté parodique du « méchant » et que l’on aurait aimé le voir davantage.

Le décor d’époque, sobre et occupant judicieusement la scène, est quant à lui très réussi.

 

Mileva Einstein, une pièce pour quel public ?

Adultes et jeunes adultes. Que vous soyez familiarisé(e) ou non avec les travaux d’Einstein, vous entrerez sans problème dans l’histoire de la pièce. Si vous aimez les portraits de femme à la Lucrèce Borgia ou Mata Hari, cette pièce est pour vous. Si vous avez un petit côté féministe rebelle cela pourrait vous plaire également. Enfin, si vous aimez le second degré et l’humour mettant en perspective Histoire et culture, allez-y sans hésiter.

Conquise par le jeu maîtrisé, nourri et convaincant des comédiens, avec une mention toute particulière pour le duo de choc Einstein, émissaire du Vatican. On aurait aimé que cela dure un petit peu plus (notamment le dénouement), preuve que l’on a passé un agréable moment de théâtre.


Écriture et mise en scène : Angelo Corda
Avec : Marc-Henri Lamande, Aude Kerivel, Arnaud Cermolacce, Thomas Ganidel 


 

Infos pratiques

Le spectacle « Mileva Einstein » se joue au théâtre de la Reine Blanche 
2 bis, Passage La Ruelle 75018 Paris
01 42 05 47 31

Du 22 novembre au 30 décembre
Horaire : 19h 
Durée : 1h

 

Un article écrite par Marie CELINE