Critique « LOVE » saison 1 (Netflix) : Judd Apatow aime l’amour qui fait boum

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Judd Apatow frappe juste une fois de plus avec LOVE. De Freaks and Geeks à Crazy Amy, Apatow a amplement démontré sa maîtrise des ficelles comiques. Il creuse ici le sillon de l’intime initié dans GIRLS, qu’il produisait, et nous offre une exploration des tergiversations amoureuses de trentenaires paumés et névrosés. Une anti rom-com qui ravira les amateurs d’indé et de dialogues sarcastiques.

Rencontre. Attirance. Doutes. Ensemble, séparés, puis de nouveau ensemble… Atteinte du syndrôme  « Will they ? Won’t they ? » (en couple ? pas en couple ?), la saison 1 de LOVE nous fait vivre les balbutiements de l’histoire entre Gus, un gentil geek passif agressif, et Mickey, dont l’apparence cool cache des problèmes d’addiction à l’alcool, aux drogues, au sexe et aux sentiments (rien que ça). Une paire qu’on pourrait qualifier de Ross & Rachel des temps modernes. À la fois trop bien l’un pour l’autre, ils sont pourtant parfaits ensemble dans leur imperfection. Ou plutôt leurs imperfections, car la liste est longue et le spectateur a le temps de les noter tandis que le scenario s’attarde sur le passé et les déséquilibres de chacun des deux protagonistes.

Judd Apatow; Love: Gillian Jacobs; Paul Rust; season 1; meet cute

La saison démarre sur les séparations respectives de Gus et Mickey, et introduit quelques personnages secondaires, dont Bertie, la géniale et naïve colocataire de Mickey, ainsi que les lieux de travail de chacun. Une station radio pour Mickey, et le plateau de tournage de Witchita (clin d’œil méta à la floppée des dernières séries Disney) pour Gus. On entre petit à petit dans le quotidien de chacun jusqu’à ce que leurs univers se rencontrent dans une anti meet cute. Gus, en gueule de bois, avance de l’argent à Mickey pour des cigarettes, avant de fumer de la weed dans sa voiture. S’en suivent les oscillations propres à un début de relation, réveillées par des situations loufoques, quelques imprévus et une poignée de péripéties, comme l’épisode au Magic Castle, qui font le charme de la série.

En bref, un mélange de bizarre et d’attendrissant qui fonctionne bien dans les moments trash comme dans les scènes intelligentes et drôles. Toutefois, soyons honnêtes, il ne se passe pas grand-chose durant ces 10 épisodes de 30 minutes. Le lent déroulement de l’intrigue est indéniable mais permet de passer au crible la personnalité des personnages et les obstacles que peut connaître une relation naissante. Un rythme qui s’explique par le côté « indé », limite mumblecore, de la série. Les performances de Gillian Jacobs et Paul Rust, dont l’alchimie à l’écran est excellente, ont alors tout le temps de s’exprimer. Le spectateur finit par les apprécier, et se laisse porter par l’enchaînement des épisodes, qui ressemble plus à une série de tableaux consécutifs qu’à un fil narratif consistant.

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Malgré une qualité inégale, certaines scènes jouissives et de nombreuses répliques cinglantes valent le détour. L’humour grinçant et le travail tout en nuances autour des personnages, dont les travers sont traités sérieusement, rendent la comédie romantique réaliste et moderne. Oui, LOVE a ses défauts, mais elle en joue sans se prendre au sérieux. À titre d’exemple, l’une des répliques de Mickey à Gus : “Surprise, I’m not the cool girl. I’m not some girl that you can fuck for a while to prove to yourself that you can be dangerous, and edgy, and you’re not some huge dork, and then you go off and marry whatever boring lady.” [“Surprise, je ne suis pas la fille cool que tu peux baiser quelques fois pour te mettre en danger et être stylé, au lieu d’être un gros geek, puis abandonner pour épouser n’importe quelle fille rasoir. »].

Une prise de recul bienvenue qui éloigne la série des normes de la comédie romantique, et la rend toujours agréable, et parfois même intéressante, à regarder. Bien sûr, l’atmosphère ensoleillée travaillée de Los Angeles et la bande-originale sympathique ne gâchent rien. Une série aux airs de « faux clichés » (et non aux faux airs de cliché), dans lesquels le spectateur se laisse prendre. Les personnages aussi d’ailleurs, avant que les étiquettes de « cool girl » et de « nerd touchant » ne volent en éclats, permettant aux réalisateurs d’en jouer subtilement.  

La saison se termine sur un point d’interrogation, qui trouvera un début de réponse dans la saison 2 (critique à venir). Les fans de You’re the Worst ou Casual trouveront leur compte dans cette première saison, tandis que les plus réticents aux rom-com (anti- ou non) savoureront le parti pris de la série à parler de bien plus que de l’amour, comme son titre ne l’indique pas.