Critique « Las Chicas del Cable » (Netflix) : Un diamant joliment taillé

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Las Chicas del Cable est la première série espagnole signée Netflix, sortie au printemps 2017. Créée par Ramón Campos et Gema R. Neira, la série compte déjà 2 saisons, et une troisième devrait voir le jour courant 2018. Critique d’une œuvre chargée en rebondissements, aux thèmes complexes abordés intelligemment.

Une série qui prône l’humanisme 

L’histoire débute à la fin des années 1920, dans une entreprise de télécommunication au cœur de Madrid. Le regard est d’abord posé sur Lidia Aguilar, une jeune femme au passé difficile, qui décroche un contrat d’opératrice téléphonique. Arrivent ensuite 3 autres demoiselles collègues de travail, Marga, Carlota et Angeles, toutes aux caractères bien différents. Une opératrice nommée Sara, qui avait un rôle secondaire dans la saison 1, viendra compléter le quatuor dans le second volet. Malgré les 5 personnages principaux féminins, les hommes ont un rôle loin d’être minime. La série raconte l’amour, l’amitié, le travail et les secrets dans différentes directions, à la manière d’un film choral. A l’époque, prendre son envol lorsqu’on est une femme n’était pas chose simple. Et pourtant, ces 4 femmes déterminées réussissent le pari de décrocher un job au début de la série, marquant une première progression. A partir de ce moment, ces personnages, qui vont se lier d’amitié, vont mener leur combat en faveur de l’égalité.

Dans ces deux premières saisons, Las Chicas del Cable se révèle engagée dans le féminisme. La série évoque une société où les femmes sont souvent sous la tutelle de leur mari. Les femmes ne peuvent décider et faire sans l’accord de leur homme. Elle présente des clins d’œil subtils comme l’impossibilité pour la femme de demander le divorce, ou de retirer de l’argent sans l’autorisation masculine. Ces quelques scènes nous rappellent les conditions féminines difficiles, propices au sentiment de révolte. La série va même plus loin en osant montrer sans filtre, Angeles soumise aux coups de son mari. Las Chicas del Cable se positionne également pour les droits LGBT. Elle présente l’homosexualité et le polyamour au travers de l’histoire de Carlota, Sara et Miguel.

La série affiche certes, un message politique engagé, mais n’oublie pas de ramener le téléspectateur dans un univers divertissant. Les histoires d’amour et d’amitié ont tout de même une place majeure, qui enchantent et désorientent à la fois. Des aventures amoureuses diverses et variées, farcies de questionnements pour certaines, et pleines de positivité pour d’autres. Des scènes apportant une indéniable légèreté malgré des situations délicates, qui tournent parfois en rond. En effet, leur indécision peut parfois agacer. Mais grâce à l’intelligente diversité de l’intrigue et des personnages, la série retombe sur ses pattes, et tient le spectateur en haleine. Les fins de chaque épisode, débordant de suspens, rendent le spectateur définitivement accro. Le dernier instant de la saison 2 en est bel et bien un exemple.

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Des personnages très contrastés 

Les différences entre les personnages affichant une multitudes de pensées, c’est ce qui fait la force de la série. Ces visions parfois opposées, délivrent plusieurs facettes de la société de l’époque.

Las Chicas del Cable est une série menée par les femmes, mais dont les hommes ont une importance capitale. Les deux plus importants sont les charmants Carlos et Francisco. A la tête de l’entreprise téléphonique, ils tombent tous deux sous le charme de Lidia, ce qui mènera à quelques accrochages et aux croustillantes aventures en cachette. Mario est le mari violent d’Angeles, macho, égocentrique, il est le personnage le plus détestable. On retrouve également Pablo, le plus doux et romantique. Une palette de personnages très éclectiques qui font la richesse de la série.

Néanmoins, les personnages phares de Las Chicas del Cable sont féminins. La série tourne autour de cette sublime femme qu’est Lidia (Blanca Suarez), rattrapée par son passé obscur. C’est un personnage adroit, astucieux, qui fascine par sa beauté, mais qui est intensément secret. Il peut être difficile de cerner cette femme très mystérieuse, qui ne se livre que trop peu sur son histoire. Sa double identité en est un parfait exemple. Son indécision amoureuse, ne sachant qui choisir entre Francisco et Carlos, peut s’avérer parfois agaçante. Dans la série, Lidia est un peu la pilote de la bande. D’abord au sens propre, car oui, parmi ces femmes, elle seule sait comment conduire une voiture. Mais c’est avant tout le guide ; dotée d’une intelligence subtile, c’est souvent elle qui trouve réponse aux problèmes. Un trait positif qui peut devenir invraisemblable par moment. Cependant au fil des épisodes, on découvre une Lidia qui évolue professionnellement. En effet, dans la saison 2, Lidia se voit occuper un poste de haute importance, qui ne sera pas accepté de tous. On accorde sans difficulté notre attachement à cette femme honnête et futée

Lidia n’est pas le seul personnage qui évolue. Angeles, interprétée à la perfection par Maggie Civantos, affiche un changement de plus en plus affirmé et radical. Elle est notre personnage favori. Dans la saison 1, la jeune femme est soumise à son mari, et battue par ce dernier. Le personnage le plus fort en émotion, qui délivre une situation révoltante et poignante. Dès la seconde saison, une nouvelle Angeles, indépendante et libre se dévoile grâce au meurtre de son mari. Elle va même se lier d’un amour (impossible ?) avec le capitaine à charge de trouver l’assassin de son mari… 

Marga (Nadia de Santiago) est une autre opératrice fort attachante, notamment par sa timidité amoureuse. Personnage hyper sensible et rêveur, elle peut parfois déplaire à cause de son paraître enfantin. Mais dans la saison 2, la jeune femme affirme davantage sa résistance, ce qui a tout pour plaire. 

Carlota, jouée par Ana Fernandez, est le caractère bien trempé de la série. C’est une femme pleine d’assurance, qui milite incontestablement pour le droit et la liberté des femmes. Cette rebelle, franche et séduisante captive complètement le spectateur, et se hisse comme personnage incontournable. Une femme amoureuse de Miguel et Sara en même temps, dont les indécisions sentimentales la rendent encore plus touchante.

Sara (Ana Polvorosa) était un personnage secondaire dans la saison 1, puis propulsée au premier plan dans le deuxième volet. En révélant sa trans-identité, la jeune femme va vivre un calvaire inhumain, les médecins la considérant comme malade. Car oui, Sara se sent homme dans un corps de femme. Sa situation va faire d’elle un personnage supra-bouleversant.

Cependant, certains personnages féminins refusent l’avancée de la condition féminine comme l’écœurante Carmen, la mère de Carlos, qui reste fidèle aux traditions ancrées. Finalement, les personnages favoris sont féminins, et les plus détestables aussi, ce qui créé un équilibre.

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Une série joliment réalisée malgré des incohérences

Las Chicas del Cable est indéniablement une des séries les plus réussies de ces dernières années.

Bien qu’elle soit agréablement amenée et agencée, elle s’avère légèrement fectueuse sur certains points. Le décalage musical percute. En effet, ce sont des chansons semblables au discothèques actuelles qui sont présentées, créant un contraste temporel quelque peu gênant, dans une série prenant place dans les années 1920 . Il est vrai que ce pari osé risque l’incompréhension et la distance.

Mais ce n’est pas tout. Dans Las Chicas del Cable, les histoires d’amour sont très présentes… Parfois trop. Bien qu’elles se montrent intéressantes, leurs relations ont tendance à gommer les histoires professionnelles et féministes. Un léger débordement qui peuvent  parfois déranger. Mais les aventures amoureuses parfois inégales de cette série « chorale », nous absorbent complètement grâce une nouvelle fois, à la diversité des personnages. Les somptueux décors et costumes de l’époque ramènent toujours le spectateur dans l’univers des années 1920/30. Voitures, vêtements, coiffures, tous les détails sont délivrés minutieusement. Le point fort de la série, selon nous, est probablement le réalisme des images. Ce sujet divise, car certaines sont très dures. C’est sans filtre qu’on est témoin des scènes de violences conjugales, comme celles d’Angeles, ne pouvant lutter face aux coups de son mari. L’abominable comportement médical face aux personnes transsexuelles est montré de manière très crue aspirant au dégoût. Ce sont des scènes qui osent montrer les violentes réalités, bien qu’elles puissent choquer.

Certains détails minutieux négatifs n’enlèvent rien aux nombreux et immenses atouts de la série. En effet, dès l’instant où le spectateur est captivé, le pari est réussi.

Cette première série espagnole signée Netflix offre un résultat surprenant et réussi qui nous rend complètement addict. Un scénario et des personnages qui nous ont convaincus malgré quelques défauts dans la réalisation. Une série intelligente, avec des sujets lourds malheureusement toujours d’actualité pour certains. Le phénomène Netflix a encore frappé, et on en redemande ! La saison 3 sera disponible au cours de l’année 2018. Espérons que la série prenne son envol en France, comme elle l’a fait en Espagne.