[Critique] Girls : notre avis sur le final de la série de Lena Dunham

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Vous êtes peut-être, comme nous, tristes d’avoir à dire au revoir à Girls, la série de Lena Dunham diffusée depuis 2012 sur HBO. A l’heure actuelle, la sixième et ultime saison vient de s’achever, l’occasion pour nous de revenir sur ce phénomène à notre sens révolutionnaire dans le paysage télévisuel de ces dix dernières années, voire dans l’histoire de la télévision. 

Girls, une série féministe inédite et réaliste

Quand Lena Dunham, créatrice mais aussi personnage principal du show, a tendance à se faire lourdement lyncher sur la toile et à essuyer les critiques acerbes d’un public pas toujours réceptif à son discours, il est bon de rappeler que sa série, loin d’être parfaite, reste une oeuvre inédite qui a certainement permis à d’autres auteures féminines de libérer leur parole (voire Broad City ou Orange is the new black). Et c’est précisément ce regard féminin, rappelons-le encore, minoritaire au cinéma et à la télévision, qui a certainement valu à Girls tant de haine autant qu’il a su inspirer les spectateurs qui l’ont assidûment suivie pendant six ans. 

Pendant six saisons, nous avons pu observer l’évolution d’une bande de filles (car l’intérêt, comme l’a révélé ce final, était finalement de voir comment elles deviendraient des femmes) de la génération Y mal dans leur peau, dépressives, amoureuses, instables, déchaînées, ingrates : des figures féminines quasiment absentes à la télévision avant Lena Dunham, et que beaucoup se sont empressés de dénigrer, expliquant à qui mieux mieux que voir des femmes rondes prendre leur douche et s’embourber dans les galères du quotidien n’avait strictement aucun intérêt. Aucun intérêt pour ceux qui ne s’y reconnaissent pas, mais quid du public féminin en cruel manque de représentativité authentique dans un médium de plus en plus populaire ? Au-delà de la qualité objective de Girls, ce sont de ces personnages imparfaits, parmi les premiers que nous avons le souvenir d’avoir rencontré dans une série, dont nous nous souviendrons. 

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Mais alors, qu’en est-il de ce final, et que permet-il d’évaluer rétrospectivement de la série ? 

Girls, un final en demi teinte

Beaucoup se sont dit déçus. Et il faut avouer que cet ultime épisode n’a que partiellement répondu aux attentes des fans dont nous faisons partie, laissés sceptiques. Peut-être aurait-on souhaité voir les quatre amies à nouveau réunies (c’était presque le cas dans l’avant-dernier épisode), elles qui n’ont eu cesse de se déchirer à mesure que l’histoire progressait. Mais ce serait sous-estimer son discours sous jacent, qui s’est toujours construit en accord avec un certain pessimisme réaliste. Dans la vraie vie, les gens s’aiment puis se quittent, souvent, se perdent de vue, se détestent, vont chacun de leur côté. La dynamique qui unissait Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna a toujours été implosive, leurs relations au bord du précipice : trop à fleur de peau, chacune trop égoïstes pour les maintenir en vie. 

Nous ne sommes pas certains qu’elles se soient réconciliées ou simplement dit adieu, n’en demeure qu’il ne restera de leur amitié qu’Hanna et Marnie, comme au premier jour, isolées dans une maison à la campagne avec le nouveau-né de la première, New-York loin derrière elles. Nous ignorons tout du destin des autres. Il y a à ce titre quelque chose d’à la fois extrêmement touchant et amer à ça, quelque chose d’à la fois profondément humain et dépréciatif sur l’amitié féminine telle que représentée dans Girls : quand chacune n’a fait qu’écraser l’autre pendant des années, que reste-t-il ? Une volonté solidaire innée, un amour indestructible. Le sacrifice de Marnie pour Hanna. 

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Il est dommageable que la série, au départ intéressante pour la diversité incongrue de ces personnages, ait fini par laisser Hannah dans la lumière et rejeter les autres dans l’ombre. C’est un peu le grand regret de cet ultime épisode. C’est peut-être aussi sa force. Elle seule avait à changer, égoïste hypersensible et immature dont le seul moyen de transition aura été de donner la vie, d’accorder sa réflexion au bien-être d’un autre être humain, retrouvant ainsi l’équilibre attendu. Peut-être est-elle devenue une femme, comme le laisse entendre le plan final, cadrant le visage d’Hanna souriant, le regard illuminé par un élément laissé hors-champ : elle s’est ouverte au monde.