Julien Barbagallo : “Fan de Tame Impala, c’était bizarre de me retrouver de l’autre côté du miroir”

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Le Toulousain Julien Barbagallo multiplie les casquettes avec un troisième album solo prévu pour le début de l’année 2018 et sa place de batteur dans le groupe de pop psychédélique de renommée internationale : Tame Impala.

Albigeois de naissance, Toulousain d’adoption, Julien Barbagallo est un musicien qui écume les scènes françaises depuis une vingtaine d’années. S’il a collaboré ou créé des groupes connus comme Aquaserge ou Thaiti 80, il est surtout depuis 2011, le batteur attitré du groupe australien Tame Impala, tête d’affiche des plus gros festivals internationaux. Après son deuxième album solo Grand Chien et une tournée qui l’a conduit des Francofolies à Rock en Seine, Julien Barbagallo termine la composition d’un troisième album. Fraîchement marié à une Australienne et toujours très posé, il multiplie tel un équilibriste les grands écarts entre une carrière française solo et un groupe international, à cheval entre Melbourne et Toulouse.

 

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Tame Impala

 

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Julien Barbagallo, j’ai 37 ans, je suis né à Albi dans le Tarn. J’ai appris la musique là-bas où j’ai joué dans mes premiers groupes. J’y suis resté jusqu’au début des années 2000. J’ai bougé sur Toulouse lorsque j’avais 23 ans où j’ai joué avec d’autres groupes dont certains qui ont pas mal tourné en France. Entre temps, j’ai fondé le groupe Aquaserge avec deux de mes amis. Aquaserge continue toujours mais je n’ai plus le temps de jouer en live. J’enregistre quand même des albums avec eux. J’ai eu aussi l’occasion de jouer avec un groupe de Rouen qui s’appelle Thaiti 80, avec qui j’ai commencé à voyager. J’ai également joué avec Bertrand Burgalat, producteur et compositeur français. Et il y a cinq ans, j’ai rejoint le groupe Tame Impala avec qui je joue depuis et qui prend beaucoup de mon temps de par les tournées et les voyages.

 

Comment es-tu venu à la batterie ?

J’ai commencé quand j’avais 9 ans. J’y suis allé assez naturellement parce que tapais à peu près sur tout ce qui me tombait sur la main quand j’étais petit. Ça ne m’a jamais lâché. J’ai fait cette carrière de batteur jusqu’à aujourd’hui. En parallèle, quand j’étais ado, j’ai commencé à écrire des chansons à la guitare et à chanter. Ça a été en pointillé jusqu’à maintenant. Depuis mon premier album il y a trois ans, je le prends un peu plus sérieusement.

 

La question qui nous brûle les lèvres c’est : comment tu t’es retrouvé dans le groupe Tame Impala ?

Complètement par hasard. C’était à l’époque du premier album Innerspeaker (sorti en 2010 NDLR) et que j’écoutais beaucoup. Fin 2011, j’étais à Paris et j’étais dans un bar où je vais tout le temps qui s’appelle Le Motel. Là, je vois Kévin Parker : c’est le cerveau du groupe, c’est lui qui compose et enregistre tout. Il est là parce qu’il habitait Paris à l’époque. Je vais le saluer et je lui dis que Innerspeaker est un super album. Ça me parlait beaucoup parce qu’avec mon groupe Acquaserge on était dans ce genre-là avec des trucs un peu progressifs, des formats un peu longs. Mais aussi un côté pop qui rejoignait mes autres influences. C’était un mix que je trouvais intéressant et dont on a parlé. Finalement, on s’est retrouvé à passer la soirée ensemble et à boire beaucoup de coups (rires). Puis il s’est dit qu’un batteur pouvait l’intéresser puisqu’il voulait expérimenter des boucles, etc. Il m’a demandé si ça m’intéressait de faire un peu de musique avec lui. Évidemment que oui. On a commencé à jouer tous les deux. On a eu un micro projet éphémère qui s’appelait Relation Longue Distance. On a fait deux concerts à Paris. En fait je me rends compte aujourd’hui qu’il me faisait passer une sorte d’audition puisqu’à la suite de ça il m’a demandé si cela ne m’intéressait pas de rejoindre Tame Impala parce que le mec qui fait de la batterie allait faire des claviers. J’ai bien évidemment accepté et c’est parti de là. On est parti à Perth répéter un jour de juillet 2012.

 

 

Comment s’est déroulée la rencontre avec les autres membres du groupe ?

C’était assez bizarre parce que j’étais fan et je me retrouvais de l’autre côté du miroir. Et eux, ça les a fait marrer de voir Kévin débouler avec le Français de service. Il faut savoir que c’est un groupe d’amis de longue date. Sur la scène de Perth, tout le monde se connaît, du coup il y avait ce côté d’arriver vraiment de nulle part, en dehors du cercle. Et ça s’est très bien passé, ils sont adorables, l’accueil a été parfait et pour eux j’étais assimilé au bout de trois secondes. Ils sont tellement cools par rapport à la pratique de la musique qu’ils ne se posent pas de questions. Il y a ce plaisir pur de jouer de la musique.

 

Peux-tu nous raconter ton premier concert en tant que membre du groupe Tame Impala ?

C’était un gros festival en Australie avec 15 000 personnes. On était quasiment tête d’affiche. En plus, je jouais avec un équipement qui ne m’était pas familier du tout : des écouteurs retours qui viennent directement dans tes oreilles. J’ai dû me familiariser avec ça. J’étais assez concentré. En plus, on a enchaîné direct avec le Lollapalooza de Chicago. En fait, je n’ai pas trop eu le temps de réaliser, c’était plus pendant les répétitions que je trouvais ça marrant. En plus, on répétait dans le sous-sol d’un bar. Le groupe n’était pas aussi énorme qu’aujourd’hui et les conditions étaient à la cool, limite garage, sans le garage. Mais jouer les morceaux était hyper galvanisant.

 

Quel est ton plus gros souvenir avec le groupe ?

J’ai tendance à dire tout parce que c’est une expérience hors du commun. Après, on a joué juste avant Adèle au festival anglais Glastonburry devant une marrée humaine. Une chose que tu ne feras pas beaucoup de fois dans ta vie.

 

Tu ne composes pas les albums. Comment travailles-tu avec le groupe ?

C’est Kévin qui écrit tout. Pour le premier album, je le connaissais quasiment par cœur. Pour le deuxième, il nous avait envoyé l’album quelques mois avant sa sortie et chacun bossait les parties de son instrument de son côté. Quand on s’est réunis, tout le monde était au courant de ce qu’il devait faire. Depuis, c’est comme ça.

 

 

Du coup tu enchaînes les allers-retours avec la France ?

Là, le cycle de la tournée s’est plus ou moins arrêté en février dernier. Avant ça, tu n’avais rarement pas plus d’un mois et demi entre deux tournées. En fait, on se voit énormément pour les tournées mais pas entre les deux. Tout le monde est un peu éparpillé dans le monde (Amsterdam, New York, Perth et moi à Toulouse).

 

Vous avez même eu une date dans ta ville, au Bikini de Toulouse en 2013. Qu’est-ce que cela t’a fait ?

C’était presque la blague parce que ce n’était pas prévu sur la tournée. On blaguait sur le fait de venir jouer à Toulouse qui était sur la route du Primavera. Et puis on a réussi à caler la date avec des amis à moi de l’association La chatte à la voisine. Ça a été vraiment immense et magique. Pour le rappel, j’ai joué avec mon maillot du TFC. Après, je ne sais pas si les gens savaient que j’étais du coin mais en tout cas ça les a bien fait marrer. Aujourd’hui le groupe est trop gros pour venir jouer au Bikini.

 

Quel est l’avenir pour Tame Impala ?

Pour le moment le cycle des tournées et fermé. Grosso modo, on attend de voir quand sortira le prochain Tame Impala. Kévin est occupé, donc le projet est en sourdine. Et ce n’est pas plus mal, comme ça chacun a pu s’occuper de ses propres trucs.

 

 

Mais revenons à toi puisque tu as aussi une carrière solo en parallèle. Comment trouves-tu du temps pour écrire alors que tu es en tournée ?

Dans une tournée, tu as énormément de temps libre et beaucoup d’heures où tu ne fais rien, alors autant faire quelque chose, par exemple un album. Bon j’ai aussi regardé les Soprano en une semaine.

 

Tu es du style à tout faire toi-même ?

Oui. J’enregistre tout, tout seul à la maison, chez moi mais aussi beaucoup en tournée, dans les chambres d’hôtel, les bus de tournée. Je faisais comme je pouvais, où je pouvais. Le troisième que je finalise bientôt, je l’ai enregistré cette fois-ci dans un studio qui s’appelle Barberine, dans le Lot, et qui est l’ancienne maison de Nino Ferrer. Son fils s’occupe de le faire tourner. J’ai passé une dizaine de jours là-bas et pareil, j’ai tout enregistré moi-même mais dans des conditions d’enregistrement bien meilleures.

 

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Comment composes-tu tes albums ? Tu commences par l’écrit ou par la musique ?

Je fais principalement la musique avant. Dans le futur, je pense essayer l’inverse en écrivant d’abord le texte. Je me trimballe toujours avec une petite guitare de voyage, un petit synthé qui rentre dans mon sac à dos. J’ai à peu près tout ce que je veux sous la main pour avancer sur les chansons. Après, cela me prend beaucoup de temps, j’écris sur la longueur.

 

Comment se passe ta rencontre avec le public en tant que Julien Barbagallo ?

Ça se passe super bien parce que ce n’est pas franchement une musique. La musique est accessible mais les textes détonnent un peu de ce qu’on peut s’attendre en chanson française. Finalement, la musique sert de passerelle entre moi et le public pour faciliter la réception des textes. Ce côté passerelle se vérifie plus dans les pays non-francophones car la réception du public est très bonne. Je pense que la musique a ce côté-là très pop, anglo-saxon, qui met tout le monde à l’aise. On parle un peu le même langage, on a une base en commun. On a ces références anglo-saxonnes qui servent de liant sur scène.

 

Pourquoi as-tu décidé de chanter en français ?

J’ai longtemps chanté en anglais. J’ai simplement réalisé que ce n’était pas moi. Cela créait trop de filtres entre ce que j’avais envie de dire et le résultat final. Je me suis attelé au français un peu par challenge, mais maintenant c’est un vrai plaisir d’écrire en français parce que c’est une telle source inépuisable de nuances, de lyrisme, de magie que tu n’as pas avec l’anglais si tu n’es pas 100% bilingue.

 

Quelles sont tes influences ? Dans tes chansons tu parles pas mal de ta région comme celle où tu évoques le Sidobre du Tarn.

C’est archi-tarnais, mais à la fois la chanson parle d’un endroit dans l’état de Victoria en Australie où je m’étais baladé et qui me faisait beaucoup penser au Sidobre. Le Sidobre sert un peu de prétexte pour parler d’autre chose : la nostalgie du pays quand tu voyages, l’universalité de certains paysages. C’est juste des marches-pied. Je ne suis pas régionaliste, ça fait partie de ma culture. Il n’est pas question de ne parler que de moi dans mes chansons.

 

 

Ton précédent album avait des sonorités médiévales, c’est une période qui t’attire ?

Cela couvre 1000 ans d’histoire mais elle me fascine. C’est vrai que pendant l’enregistrement de Grand Chien, j’ai écouté pas mal de musiques médiévales ou des chants. C’était des choses qui m’apaisaient beaucoup dans la phase d’enregistrement parce que c’est très simple en terme d’instruments et d’harmonies. Un peu mystique dans le fond. J’essayais d’en injecter dans mes propres chansons.

 

D’où t’es venu ce nom de Grand Chien ?

Cela vient d’un pote australien francophile qui apprend le français. Il m’avait envoyé un message en terminant par « À bientôt grand chien ». Il avait traduit littéralement l’expression anglaise « Big dog ». Voir ces deux mots ensemble, ça m’a fait « tilt ». Je n’avais pas du tout l’album prêt, je ne l’avais même pas composé mais je me suis tout de suite dit que ce serait le nom de mon prochain disque. L’association des deux mots est assez bizarre et poétique.

 

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Tu es en train de terminer ton troisième album, à quoi va-t-il ressembler ?

Par rapport à ce que j’ai fait avant. Il faut imaginer un élastique que j’ai étiré avec d’un côté mes paroles qui tendent vers des choses encore plus magiques. J’essaie de m’éloigner de plus en plus du concret, du terre à terre. En revanche, la musique, je l’ai étirée encore plus vers le côté pop. Avec un peu moins de synthés et pas mal de vraies batteries. Là, c’est très organique, très acoustique. Ce sera plus épuré dans les textures et les sons, très pop dans les compositions, mais ça reste mon avis. Plus onirique. La sortie est prévue pour février 2018 et il s’appellera Danse dans les ailleurs.