En 2016, se souvient-on encore du Jazz ?

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Alors que l’électro cartonne, que le R&B reste omniprésent, que la Pop Rock se réinvente chaque jour ; alors que la Soul est incontournable, le RAP indémodable et la Latine Music inévitable… Que reste-il de la base de la musique actuelle ? Que dire des racines les plus profondes, de la Genèse à laquelle tous nous devons respect, considération, et puis avant tout la musique qui se trouve dans nos écouteurs et à la radio ? JustFocus vous propose une sélection de 10 des plus influents Jazzmen de l’Histoire.

Le but de cet article n’étant absolument pas de hiérarchiser les artistes, ou encore de prouver que le Jazz est la musique la plus élevée, il se veut tout simplement informatif ; je ne prône que sa portée universelle, les horizons illimités qu’il a offert aux genres – il tend à empêcher l’amnésie des racines musicales et à supprimer les préjugés injustes dont il est parfois sujet.

10. Duke Ellington et Count Basie, ou les grands-pères du Jazz universel

 

duke_ellington_-_publicityOn a tous le droit de sécher lorsqu’on nous sort un nom, soi disant célèbre, qui pourtant n’évoque rien à nos oreilles.
Seulement, Basie et The Duke, pas le droit. Parlons succinctement des inventeurs du Jazz rythmique ainsi que du Swing Jazz.

Pourquoi parler des 2 ensemble? Parce qu’ils se sont mutuellement inspirés, parce qu’ils ont vécu au même moment, rencontré les mêmes succès et subi des épreuves bien similaires. Inutile de rappeler qu’au tout début du XXème siècle – ils sont nés respectivement en 1899 et 1904 – un noir aux Etats-Unis, qu’il vienne du New Jersey ou de Washington, peine à faire sa place au sein de la société. Ainsi, tous deux commencèrent par des « petites leçons de piano » et des « petits boulots » pour survivre. Ellington fut vendeur de confiserie dans les stades de Baseball, Basie serveur dans le Red Bank Palace Theatre. Mais l’amour de la musique ne mettra pas longtemps à grandir en eux.

Count BasieSi Duke commence sa carrière de musicien à 18 ans, Basie lui la débute à l’âge de 20 ans. Leur vision futuriste des arrangements très rythmés ainsi que leurs qualités techniques et leurs compositions leur vaudront rapidement l’admiration tant du public noir que celui de l’Américain blanc lambda. Leur avancée dans le monde du show business sera semblable : débuts en tant que « pianiste du groupe » dans des cabarets, hôtels, salles de spectacles ; puis création d’un groupe à part entière dont ils seront les leaders. Ils évolueront avec les plus grands musiciens de l’époque qui, malgré leur propre renommée dans le monde de la musique, souhaiteront intégrer le Basie and his barons of rhythm ainsi que le Duke Ellington and his Kentucky Club Orchestra. Les premières tournées historiques du Jazz Américain seront signées par ces deux géants qui, à eux deux, auront remporté 22 Grammy Awards dans leur carrière. Leurs tubes planétaires seront repris dans le monde entier par les plus grands : Miles Davis, Tony Bennet, Dave Brubeck, Steely Dan, John Coltrain, Ray Charles, Stevie Wonder, et des milliers de célébrités et d’autres artistes.

Parmi les essentiels de Sir Duke : Take The « A » Train / In a Sentimental Mood / Caravan / Sophisticated Lady / Don’t Get Around Much Anymore, et tant d’autres…

Parmi les essentiels de Basie : One O’clock Jump / Swingin’ The Blues / April in Paris / Basie Boogie / Shiny Stockings et beaucoup d’autres.

Un aperçu de Count Basie :

Un coup d’œil sur Duke Ellington :

9. Oscar Peterson, pianiste inatteignable

Oscar_Peterson_-_1950Si vous êtes musicien, pianiste qui plus est, quelque soit votre niveau… Oscar Emanuel Peterson vous fait tomber des nus. Le pianiste d’origine Canadienne n’a pas son égal dans la technique pianistique, bien que lui-même ne l’ait jamais cru.

Né en Août 1925 à Montréal – Québec – Oscar Peterson débute par la trompette à 5 ans (normal). Mais à la suite de graves problèmes de santé, il abandonnera le tube de cuivre au profit du piano, que sa sœur lui enseignera dès l’âge de 7 / 8 ans. Le déclic est immédiat : Le jeune artiste des « quartiers noirs » de Montréal travaille à raison de 6 heures par jour sur le piano. Il devient virtuose à l’adolescence et met de véritables « claques » aux musiciens professionnels qui l’observent jouer depuis quelques temps déjà. Il lance véritablement sa carrière à 14 ans, intégrant des groupes dans les cafés du coin, puis jusqu’à ses 22 ans, fera partie du Johnny Homes Orchestra en tant que soliste pour différents cabarets locaux. Il atteindra un large public d’abord par la radio nationale, puis vers l’âge de 30 ans par ses premiers enregistrements. Oscar reprendra beaucoup de classiques de Jazz en les arrangeant en Boogie-woogies rythmés, et sera à juste titre surnommé « meilleure main gauche de l’univers ». Art Tatum, son mentor de qui il tient en grande partie, restera pour Peterson le plus grand pianiste de touts les temps, complexe qu’il nourrira toute sa vie. Malgré cela, sa carrière de géant lui vaudra 7 Grammy Awards, l’entrée au Jazz Hall of Fame, et les plus de 30 disques qu’il enregistrera avec des grands noms de la musique (Louis Armstrong, Billy Holliday ou encore Ella Fitzgerald) marqueront les esprits et influenceront grandement la musique moderne. Merci Monsieur Oscar.

Parmi les essentiels d’Oscar (dont reprises) : C James Blues / Hymn to Freedom / Jingle Bells / Georgia on My Mind / Boogie Blues Etude / Summertime / et bien d’autres…

Qui peut rivaliser avec ça ?

8. Miles Davis, grand maître de la Trompette

miles-davisCertains types d’instruments nécessitent que leur maître sorte du lot ; c’est le cas de la trompette. Si les trois pianistes précédents étaient naturellement mis en avant (sur scène comme dans les enregistrements) de par la nature même de l’instrument, un trompettiste doit se sublimer pour exister. Miles Davis, réinventeur de la trompette, est l’incontestable plus grand trompettiste du XXème siècle.

Pour faire simple, tous ceux qui ont joué avec Davis, sont des grands. Miles a d’ailleurs été un tremplin pour la plupart d’entre eux : Wayne Shorter et Joe Zawinul, qui formeront Weather Report – Herbie Hanconk et Chick Corea qui dirigeront moult groupes et formations – Bill Evans qui deviendra la référence trio Jazz – Billy Cobham, sublime batteur – John Coltrane, considéré comme un des plus grands saxophonistes avec Charlie Parker, ou encore George Benson, et j’en passe…

Ce qu’il faut retenir : Miles a son propre son inimitable de trompette. Si au début il tente d’imiter Dizzy Gillespie, reconnu comme le trompettiste créatif référence de l’époque, il se lasse vite et s’impose comme la nouvelle génération, révolutionnant les standards de l’époque. Il a joué avec les plus grands « anciens » (Parker, Dizzy Gillespie, Billy Holiday) et forment les futurs stars du Jazz. Il parcourt tous les styles imaginables de Jazz (du classique Jazz en passant par le blues, le free Jazz, ainsi que le Jazz funk et Jazz Rock) jusqu’au Jazz Fusion, bien plus électronique et porté vers la recherche de son nouveau, et le Groove, comme Miles le répète souvent (Tutu, album aux sons électro en est un parfait exemnple). Il enregistre les plus gros albums (en termes de ventes notamment) des années 50’ à 90’, parmi lesquels : Kind of Blue / Tutu / Someday my Prince Will Come / Miles Ahead / Seven Steps to Heaven, et une quarantaine d’autres.

Miles sera très impliqué dans la lutte contre l’apartheid. Malgré tout, sa personnalité sombre et dure lui vaudra une réputation d’homme perfectionniste talentueux, dénué de sentiments humains. Il faisait preuve de cynisme avec ses musiciens, parfois étant trop exigeant. Il mourra de problèmes de santé très graves (drogues, sida…).

Les essentiels de Miles Davis : So What / Blue in Green / All blues / Bitches Brew / Someday My Prince Will Come / Tutu / Ascenseur pour l’échafaud (BO de films), et des centaines d’autres…

Écoutons Miles :

7. Bill Evans, la grâce

Bill-Evans-PhotographySelon moi, le Jazz Man le plus sensible au monde. Celui qui vous arrache une larme aux premiers accords plaqués, qui vous prend aux tripes à chaque improvisation. Le pianiste qui choisissait toujours les plus belles notes à jouer, à défaut d’avoir la descente rythmique la plus technique et rapide qui soit. Voyez-vous, ce n’est pas un Oscar Peterson comme on en parlait plus haut, c’est plutôt un Miles Davis du piano, en plus humble.

Bill est blanc. Pourquoi sortir cette information en introduction me direz-vous ? Quel rapport argumenterez-vous ? Evans, c’est la génération Miles Davis, John Coltrane, Wayne Shorter… des noirs. La légende voudrait qu’un beau jour, Davis écoutait Bille Evans jouer (plus tard il fera partie de son sextet majeur) et il lança à un de ses proches musiciens : « Ok, tu ne pourrais pas me trouver un noir qui joue comme lui ? ». Vous cernez mieux la chose à présent ? C’est ça Billy… Un surdoué du Jazz, blanc, dont les qualités de pianiste / compositeur / improvisateur feront beaucoup de jaloux.

Après le tremplin Kind of Blue (album de Davis le plus connu) pour lequel Bill Evans a été le pianiste titulaire, Bill Evans se lance dans le trio Jazz (Bass / Piano / Batterie), qu’il va révolutionner. Son approche particulièrement douce du trio se caractérise par une composition thème du morceau sweet et harmonique, puis des improvisations tour à tour en commençant par le piano (lui-même), puis la basse (Scott Lafaro) et enfin la batterie (Paul Motian). Dès lors, basse et batterie ne sont plus que de simples accompagnateurs, mais « l’improvisation à trois » devient la marque de fabrique de Bill. Formation baptisée l’« interplay ».

Il faut savoir : Bill était un amoureux du classique, et cela transparait clairement dans sa musique et son touché. Sa formation trouve ses origines chez Debussy, Ravel ou Chopin. Il a composé des valses (toujours du Jazz) qui sont devenues des standards de Jazz : Waltz For Debby / Grandfather’s Waltz / B Minor Waltz ainsi que les merveilleux : My Foolish Heart / Time Remembered / Alice in Wonderland (reprise) / We will meet again / When I fall in Love, etc.

Observez Bill Evans et son trio :

6. Herbie Hancock, visionnaire et Jazz man complet

Herbie+Hancock-inthe1970sParlons maintenant d’un artiste toujours en activité aujourd’hui. Herbie est Compositeur / arrangeur / pianiste / producteur. Il s’agit d’un de ces artistes qui bouleversent la conception du Jazz, qui vont plus loin, qui explorent des terrains encore vierges. Aujourd’hui, il est et reste la base du Jazz à la recherche perpétuelle du Groove.

Une fois n’est pas coutume, les grands se rassemblent. Hancock débute sa carrière et assoit sa renommée en passant par le « passage obligé » Miles Davis, où il occupera la place de pianiste pour le second grand Quintet du trompettiste. La vision d’Herbie participe grandement aux innovations en matière de section rythmique qu’on attribue au Quintet de Miles. Dans les années 60’, il va être décerné au talentueux pianiste des prix pour ses albums très sophistiqués et avant-gardistes : Maiden Voyage et Empirean Isles. Jamais personne n’aura abordé l’improvisation et le « plaquage d’accord » comme Herbie avant lui. Il sort totalement du cadre rythmique classique et cherche à « casser le rythme » le retourner dans tous les sens et explorer un style encore difficilement accessible aux mélomanes de l’époque.

Sur les exigences de Davis, Herbie Hancock va utiliser les dernières technologies de claviers électroniques, notamment le fameux « Fender Rhodes », au son inimitable. Malgré une réticence forte, il va s’adapter. Puis cet instrument deviendra la base de ses futurs albums et compositions. Il se détache de Davis et du Blue Note LABEL, auquel il a longtemps été rattaché et forme alors ses premiers sextets et formations. S’en suit alors une période très expérimentale (peut-être même trop) où Hancock enregistre des albums bien difficiles à écouter pour le spectateur moyen, basé sur des improvisations à rallonge et de longues séquences presque psychédéliques.

Head Hunters est l’album référence qui rétablie le compositeur sur les voies du Jazz fusion « audible ». Le groove funky, la rythmique entrainante et la Bass-line de folie présente à la fois dans Chaméléon et Watermelon Man lui valent une reconnaissance unanime du public et des contemporains professionnels. Quelques grands albums électroniques devenus mythiques sont enregistrés : Man-Child / Thrust / Secrets / Dis da drum / Rock it (qui remporte un Grammy Award). Puis Hancock revient un temps à l’acoustique avec : The Piano (accompagné par le grand Chick Corea) / A tribute to Miles (suite au décès de son mentor Davis) / Dedication / Direct Step. Cantaloupe Island est un de ses plus gros succès commerciaux avec Rock it et Chaméléon.

Aujourd’hui, Herbie continue, encore et toujours, à émerveiller. Sa période Acid Jazz rappelle à quel point il cherche constamment à creuser, aller plus en profondeur dans les possibilités qu’offrent la musique, les sons, les émotions. Aujourd’hui encore, il donne des concerts (assez hors de prix) en duo avec Chick Corea à double piano. Malgré l’âge qui avance (75 ans), il garde un niveau technique très élevé et rivalise toujours avec les meilleurs. Une légende pour le Jazz man actuel.

Un aperçu infime de la puissance de Hancock (feat Marcus miller à la basse et Roy Hardgroove à la trompette :

5. Quincy Jones, l’homme au Big Bands

Quincy-JonesIl y a tant à dire sur Quincy Jones. Résumons : il commence petite trompette avec Ray Charles, forme ses propres groupes plus tard, crée parmi les plus grands Big Bands de tous les temps, produit et sort un nombre incalculable et non exhaustif d’artistes que tous vous connaissez.

Quincy, c’est le rêve Américain dans toute sa splendeur. Archi pauvre de naissance, mère internée, père fatigué, enfant perdu. Il lui faudra survivre et s’en sortir tout seul. Cireur de chaussures, autodidacte au piano, quelques cours de trompette à l’école ; le géant au 25 Grammy Awards va bientôt émerger. Alors que Ray Charles l’engage pour des petites tournées qui rapportent très peu (à cette époque, années 50’) en tant que trompettiste, Quincy fait des petits boulots à droite à gauche pour joindre les deux bouts, notamment arrangeur. Il va plus tard se faire remarquer par Dizzy Gillespie qu’il lui commandera arrangements et compositions ; Ray Charles aura également besoin de ses services, ainsi que Count Basie pour ne citer qu’eux.

C’est en lançant ses propres albums regroupement des Big Band (formation d’une quarantaine de musiciens Jazz, surtout des cuivres, percussions, etc.) que Jones se fait connaître. L’album « The Birth of a Band », mythique avec des morceaux comme Tuxedo Junction / Moanin / Preacher / Syncopated Clock / Blues in the Night sont repris à travers le monde entier aujourd’hui. Intelligent dans sa composition, bien des titres sont construits selon le même schéma : basé sur deux ou trois accords principaux, les cuivres se répondent les uns aux autres sur un thème rapidement mémorisé, avec des arrangements d’une sobriété qui n’ont d’égal que leur fraîcheur ; c’est l’aube du R&B et de la Pop qu’on retrouve dans l’œuvre de Quincy Jones. Et pour cause, la carrière de Jones va prendre un tournant spectaculaire.

Considéré par beaucoup comme le plus grand producteur artistique du XXème, Quincy à l’œil pour débusquer les talents. C’est ainsi qu’il va « sortir » un certain Michael Jackson, encore en transition avec les Jackson Five ; le roi de la Pop tentait alors de lancer sa carrière solo. Incroyable mais vrai : il produit ses 3 plus gros succès que sont Off the Wall / Thriller / Bad.

Il sera également directeur d’orchestre pour le tube planétaire We are the World, composé par MJ et Lionel Richie. Quincy Jones est bel et bien partout. Tout au long de sa belle et longue carrière, il va innover, se produisant avec de nombreux artistes nouvelle génération, visitant des styles R’n B, Fusion, Rap, Rock, etc. Tout en conservant ses influences Jazz. Il continue de produire à l’heure actuelle.

Les essentiels de « Q » : The Birth Of A Band / Back and the Block / Soul Bossa Nova / The Dude / Killer Joe / I’ll Be Good To You, etc.

Le Big band selon Quincy :

4. Charlie Parker, légende du saxophone

Charlie-parkerMusicien surdoué, Parker est tout simplement l’inventeur (avec l’appui de Dizzy Gillespie) du Be-Bop, style et façon de jouer et concevoir le Jazz qui a révolutionné le monde de la musique. Il s’agit de prendre des tempos très rapides, se baser sur les harmoniques des fondamentales que composent le thème pour des improvisations « à rallonge » sur l’accord et sa gamme, le tout avec une maîtrise technique hallucinante.

Si la carrière du Saxophoniste n’aura pas été marquée par la durée (il meurt à l’âge de 34 ans à cause de la drogue et ses conséquences), elle aura néanmoins une influence digne des plus grands. En effet, le jeune à la détermination extrême débute très tôt (jeune adolescent) et vise les barons du Jazz de l’époque (dont Louis Armstrong et Art Atum) en reprenant leur plus grands tubes et solos à la note près. Le Jazz est, à vrai dire, un des styles qui nécessite une « oreille » musicale la plus développée, ou douée. C’est le cas du jeune Charlie, qui ne tardera pas à se faire repérer par des orchestres professionnels du New Jersey, où il fera ses premiers pas dans la musique.

A l’époque, les années 40’, le Swing de Artie Shaw, et les Crooners (Sinatra, Dean Martin, Bing Crosby, etc) font fureur. Le grand public Américains les acclame sans réserve, ce qui ne manque pas d’agacer les musiciens de Jazz instrumentistes. C’est la raison pour laquelle la bande à Charlie Parker (dont Dizzy Gillespie, Miles Davis) souhaite « jouer ce que ces gens là ne pourront pas jouer » par la technique et la complexité qu’elle adopte. Et en effet, la richesse musicale qu’apporte le Be-Bop ouvre quantité de perspectives à la musique, ne se cantonnant plus aux deux/trois accords à la base d’une mélodie commerciale chantée par une jolie voix.

Malheureusement, le groupe doit se séparer après quelques enregistrements tels que : Groovin’ High / Hot House / Salt Peanut ; ceci étant en partie dû aux problèmes de drogues de Charlie (1946). Morphine, cocaïne puis la tristement célèbre héroïne sont les compagnons du saxophoniste qui le conduiront à une mort précoce inévitable. Sa notoriété grandissante, il sera imité par bon nombre d’autres Jazz Men espérant eux aussi atteindre le génie de Parker grâce aux stupéfiants. 6 mois à l’hôpital lui seront nécessaires, stoppant net la belle lancée de sa carrière. Bird (de son surnom) s’en remettra pourtant.

Sa carrière reprend avec son quintet standard comprenant Davis à la trompette, Duke Jordan au piano, Tommy Potter à la basse ainsi que Max Roach à la batterie. Il collaborera avec son grand ami saxophoniste Thelonious Monk et enregistrera de grands disques qui influencent encore et toujours le Jazz actuel : One Night at Birdland / Charlie Parker Sextet / Jam Session / PArker’s Mood, puis reviendra aux côtés du maitre des trompettistes Dizzy pour le merveilleux CD : Bird and Diz. Il marquera les esprits avec quelques immenses live lui ouvrant un large public « Blanc » admiratif comme le A Night at Carnegie Hall (1956) ou encore au Massey Hall – Toronto, Canada. Jamais le Jazz Be-Bop n’aura été autant apprécié depuis sa genèse ; Jamais un noir autant aimé depuis Armstrong. Les disques de Parker se vendront abondamment par la suite ; ils se vendent encore très bien 60 ans après sa mort…
Les essentiels de YardBird : Ornithology / Donna Lee / I Got Rhythm / Yardbird Suite / All The Things you are / Summertime / Hot House / Groovin’ High, et des centaines d’autres.

5 minutes de leçon musicale :

3. Ella Fitzgerald, la première dame de la chanson

Ella-FitzgeraldElla, ou la plus grande chanteuse de Jazz de tous les temps. Sa voix était son instrument. Un grande virtuose des cordes vocales. Une carrière à la fois remarquable et bouleversante, un talent aussi profond que ses qualités humaines, une vie faite de succès comme de désespoir.

Ella et sa voix sont vite remarqués dans les années 30’ lorsqu’elle participe à divers concours qu’elle remporte toute jeune (encore adolescente). C’est ainsi que Chick Webb et son orchestre l’engagent pour des tournés faites de Jazz, blues, swing, gospel, etc. Ella peut tout chanter, et sa large tessiture (3 octaves de son pur) lui permet une aisance impressionnante sur tous les styles. Elle enregistre ses premiers tubes dans la foulée et se fait connaître avec If you can’t sing it / Love and Kisses / A ticket A Tasket.

Mais c’est véritablement en 1941 que tout s’accélère, lorsqu’elle s’embarque dans une carrière solo qui va l’emmener vers tous les succès. Maîtresse reconnue du Scat (« langue » des Jazz men consistant en des onomatopées du style « Ba Be DI Doo Dam » en improvisation, lorsque des mots et phrases sensés conviendraient moins), Ella sera victime comme la plupart des musiciens noirs de l’époque de fortes et violentes discriminations ; sa carrière toute entière sera marquée par un incroyable combat contre le racisme Américain, qu’elle mènera armée de ses textes, mélodies et vocalises très aiguisées. Capable d’improviser des paroles en plein live, elle gravera dans les mémoires de tous ce fameux live de Mack de Knife (Berlin, 1960) où elle improvisera un texte sous les yeux de son public, à défaut de s’être souvenue des paroles originales.

Sa notoriété l’amène à collaborer avec tous les géants du Jazz. Probablement la chanteuse la plus invitée pour des duos, orchestres, enregistrements en tous genres, elle collaborera avec : Duke Ellington,Count Basie, George Gershwin, Louis Armstrong, Cole Porter, Oscar Peterson, Joe Pass, Dizzy Gillespie, Nat King Cole, Franck Sinatra, et d’autres. « Impressionnant » est insuffisant. Celle qui recevra à elle seule 13 Grammy Awards pour son immense carrière n’a pas son égal. Elle décèdera des suites du diabète à l’âge de 79 ans le 15 Juin 1996, aveugle et amputée des deux jambes. Triste fin pour une légende qui reste omniprésente dans chaque station radio de Jazz. Elle laisse un doux souvenir pour tous ses contemporains comme aux nouvelles générations.

Les essentiels de The First Lady Of Swing : Dream a Little Dream of Me / Cheek to Cheek / Let it Snow / Summertime / Take the « A » Train (version chantée) / Cry me a River / One note Samba / My Funny Valentine / Sleigh Ride et beaucoup trop d’autres…

Écoutons la Dame (et son ami Louis) :

2. Roy Hargrove, avenir du Jazz actuel

roy-hargroveParlons pour nos deux derniers artistes de talents plus jeunes. Roy Hargrove, c’est assez personnel et subjectif de notre part, mais il se pourrait bien dans les années à venir que cela ne soit plus le cas. Comment ça ?

Si nombre de nos contemporains musiciens sont bourrés de talents, il est difficile de faire un choix entre eux tous, tant ils sont nombreux. Mais ce n’est pas tout. Ils n’ont pas encore marqué l’histoire du Jazz. Aucun d’eux (jusqu’à preuve du contraire) ne peut s’imposer comme légende vivante, artiste sans égal. Il est nécessaire que « l’affecte » entre en jeu. Roy, trompettiste de génie, s’est pour ma part imposé. Pourquoi ?

Tout d’abord, parce qu’il fait figure de transition officielle avec les anciens. En effet, du fait de ses collaborations avec Herbie Hancock (dont nous avons parlé déjà), Sonny Rollins, Michael Brecker ou encore Diana Krall, il possède d’ores et déjà un certain crédit et une reconnaissance des grands artistes aux immenses carrières. Ensuite, ses influences étant de l’ancienne génération des géants du Jazz, son style est à la fois inspiré et très personnalisé. Enfin, il fait partie des rares musiciens complets en activité à cumuler compositions, direction d’orchestre, maîtrise absolue de l’instrument (trompette) et production de talents encore plus jeunes que lui.

Alors qui est Roy Hargrove ? Un homme aux Jazz sensible, aux improvisations d’une surprenante intelligence, un directeur d’orchestre charmant et plein d’humour, une personnalité attachante. Le Jazz révèle souvent la « personne intérieure » qui se cache en l’artiste ; en l’écoutant rigoler et amuser la galerie en live (pour ceux qui comme moi ont eu la chance d’aller l’écouter au New Morning) on se dit : « Il a vraiment un coeur gros comme ça ! ». De plus, il est accompagné de pointures aussi impressionnantes techniquement que lui (comme l’incroyable Justin Robinson au sax, et le talentueux Gerald Clayton au piano).

Ses albums accueillent tous les styles en les adaptant au Jazz : Soul, Blues, Funk, Jazz Rock, Rap, Fusion, Be-Bop, Swing, R’n B, etc. Il est chaque année en tournée depuis une bonne quinzaine d’années, et fait beaucoup de petits cabarets, clubs et salles de spectacles intimes, ce qui nourrit son image de Jazz Man proche de son public. Parmi les albums à avoir absolument figurent : Earfood / Nothing Serious / Habana / ainsi qu’avec son groupe élargie RH FACTOR les albums : Distractions / Hard Groove / Strength.

On se demande parfois quel est l’avenir du Jazz et qui prendra vraiment la « relève ». Si peu en sont capables, on peut compter sur Roy Hargrove.

Les essentiels de RH : Crazy Race / Pastor « T » / Liquid Street / Strasbourg – St. Denis / Hold on / Family / Kansas city Funk / Can’t stop / HardGroove / I’m not so sure / Joy is sorrow unmasked et d’autres jolis titres à découvrir.

Ça, c’est d’une rare perfection, et cela vient de Roy :

1. Jamie Cullum, le petit jeune bourré de talents

jamie-cullumIl incarne la réussite commerciale du Jazz moderne actuel, il a trouvé son style à lui, il reste attaché aux standards et les remet aux goûts du jour, il est très cool : c’est Jammie Cullum ! Connu d’un public relativement large à l’heure actuelle, le jeune Britannique de 36 ans continue une carrière qui a rencontré plusieurs jolis succès.
Pourquoi Jamie Cullum ? Parce qu’il est doué et plein d’imagination. Certes, d’autres ont rencontrés des succès bien supérieurs (Diana Krall ou Gregory Porter par exemple) et ont gagné reconnaissance et respect. Mais Jamie à ce petit truc qui le rend attachant. Sa voix presque cassée, ses arrangements épurés très « groovy » et ses reprises des chansons R’nB actuelles (Please don’t stop the music / Empire State of Mind) lui confèrent uns style unique qui renverse les stéréotypes et les préjugés dont le Jazz fait l’objet. Comme on dit souvent : « ça s’écoute tout seul ».

Sa carrière pris un tournent important en 2009 avec la sortie de s
on album The Pursuit, qui l’a fait connaître plus amplement. Depuis, il fait des apparitions lors d’évènements majeurs de l’actualité tels que le festival de Cannes, l’élection du Ballon d’or, etc. Il a composé la bande originale du film Gran Torino (Eastwood) et est aujourd’hui présent tous les mardis soir 19h sur TSF JAZZ (89.9).
Les essentiels de Cullum (dont reprises) : I Get a Kick outta you / Get your way / Save your Soul / Don’t Stop the Music / I’m all over it / High and Dry / Pure Imagination / Mind Trick et d’autres sons sympas.

Qu’est que ça donne du Jamie ?


Rappelons-le, il s’agit là d’une liste non exhaustive de grands et talentueux Jazz Men sélectionnés par mes soins. Il n’y pas de classement, pas de bonne ou mauvaise réponse. Peut-être direz-vous : « Quelle honte de ne pas avoir cité Gershwin ! » ou encore « Quel culot d’avoir omis untel ! ». Et vous aurez raison ! On ne peut citer tout le monde, comme on ne peut plaire à tout le monde… La seule chose que nous espérons de tout coeur, c’est que cet article vous aura ouvert les yeux – si toutefois ils étaient fermés – qu’il vous aura élargi des horizons – si elles étaient encore extensibles – qu’il vous aura informé et/ou rappelé quelques fondamentaux – si jamais votre encyclopédie mentale n’avait tout emmagasiné déjà.

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