[Critique] Danger – ​ 太鼓 : des tambours inoffensifs

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Putain 10 ans. Une décennie d’attente au cours de laquelle Danger a forgé sa légende. Entre reports incessants, communication réfléchie et fanbase grandissante, Frank Rivoire (de son vrai nom), a dû hésiter avant de finalement lâcher le premier LP de sa déjà longue carrière. Un anniversaire pour lequel Danger nous fait un cadeau. Autant dire que l’emballage est soigné. Son contenu l’est un peu moins.

Taiko propose une entrée en matière des plus molles. Disons plutôt progressive. Les cinq premiers titres s’enchaînent avec une harmonie à saluer. L’inconvénient est qu’ils ne nous emmènent encore nulle part.
 
Danger semble avoir apprécié l’exercice de bande originale (le jeu vidéo Furi). On retrouve sur son premier LP une certaine science de la narration, comme pour nous rappeler que si le disque a mis du temps à sortir, il est réfléchi dans sa composition. D’autant qu’enfin l’artiste se lâche ! 22:41 arrive comme un réveil brutal dans une nuit que l’on pensait sans fin. Remuant, profond, le titre nous décoince enfin les rotules et augure le meilleur pour la suite du CD.

 

Danger : animal inégal

Pourtant, Danger abaisse rapidement ses potards, et nous replonge dans la torpeur inaugurale de son album, décidément bien étrange. Véritable bête de scène, monstre électronique délivrant des sons à s’en fendre les cervicales, Danger se fait plus calme sur son premier album.
 
10 ans de gestation ne font pas pour autant un rejeton exempt de défauts. Danger restera probablement l’un de ces artistes énigmatiques, qui gagnent à être connus davantage pour leur formidable énergie en live que pour les titres qu’ils composent dans l’intimité mélancolique de leur chambre. De l’aveu du Lyonnais, ce premier album est extrêmement personnel, et contient d’énormes morceaux de lui auxquelles ses précédentes compositions étaient imperméables.
 
On respecte. Mais on passe de titre en titre, à toujours attendre un décollage, une envolée de basses et de synthés ravageurs, comme nous y ont habitué les quatre EP qui précédent ce disque. Pourtant rien. De vagues incursions. Des poussées de violence qui s’éteignent dans le même geste vif qui les a fait naître.
 
 

Capuche noire et yeux qui brillent

Qu’importent ses failles, 太鼓 (tambour) n’est pas un mauvais effort dans la discographie parcimonieuse de Danger. Même s’ils passent à côté de nos attentes, certains tracks font mouche par leur ingéniosité. 10:00 notamment, 21:10 et surtout 11:50, qui résonne comme le pinacle d’un album de toute façon destiné à ne pas dépasser les hauteurs que l’artiste atteint en live.

 

Forcément intime, 太鼓 est vraisemblablement à l’image de ce que Danger a toujours voulu véhiculer, sans jamais réussir à trouver la formule adéquate. Différent, parfois un peu plat, mais constamment intéressant par les propositions qu’il transmet, ce premier long play du Lyonnais fait tomber le masque fétiche de son auteur. La langueur moite dans laquelle nous plonge chacun des titres de Taiko nous rassure sur une chose : Danger n’a pas perdu la main. 

Pierre Crochart