[Interview] Midnight Locomotive, à pleine vitesse dans la pop

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A l’occasion de la sortie de leur double single, nous sommes allés prendre des nouvelles du trio Midnight Locomotive et de leur pop-rock hybride captivante.

Nous sommes au début de l’année 2013, Diego, Sam et Jean se connaissent depuis la maternelle, et décident de former un groupe aux influences blues, rock et jazz. Après deux EP Travelers Sound puis 1804 et le début de festivals et des scènes, le trio Midnight Locomotive se dirige vers de nouveaux horizons très prometteurs.

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Photo : Pierre Portolano

Un opus définitivement pop

Bien léché, le double-single No Matter What They Say réactive la pop des eighties en lui infusant une puissance rock.  On reconnait bien chez ces trois-là l’influence du siècle dernier, notamment les Beatles sur certains riffs. A la course au rythme parfait, les mélodies sont travaillées, reviennent et repassent dans le transformateur pop, à la croisée des styles. Le clavier virevolte et la guitare électrique brille, tandis que la batterie assène des rythmes assumés. Créant une intensité dans laquelle résonne une pop efficace, le blues-rock orageux des débuts est toujours présent.

La voix généreuse et assurée transpire une sensualité contagieuse. La complicité des trois membres du groupe n’abrite pas de surprises : ils sont sur la même longueur d’ondes.

 

Rencontre avec trois garçons dans le vent

C’était il y a une semaine, dans la boîte mythique des Bains-Douches à Paris. Midnight Locomotive attise les spectateurs et l’ambiance bon enfant finit par être électrique. D’un EP à l’autre, on change d’univers grâce aux sphères musicales du registre du groupe.

Profitant de ce moment, on a parlé de l’utilisation de l’électro, de combinaisons argentées, de MPC, de miroirs et de LCD Soundsystem.

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Photo : Pierre Portolano

Comment s’est faite la transition entre votre dernier EP 1804 et la sortie aujourd’hui de votre double-single ?

Jean : C’était beaucoup de travail en coulisses, dans l’ombre. Louis, notre bassiste, est parti, et on a du retravailler sur la façon dont on faisait de la musique une fois en live. On a aussi évolué artistiquement donc cela allait aussi ensemble. Par exemple, le fait d’ajouter des outils électroniques dans notre composition.

 

En écoutant votre single No Matter What They Say, on remarque que vous êtes passés d’un blues rock un peu noir vers un registre plus pop. C’était choisi ?

Jean : Oui, bien sûr. Le côté rock s’est adouci.

Sam : Mais c’est vraiment une évolution dans nos goûts, une évolution lente, on continue à aimer les mêmes choses, c’est juste que naturellement on s’est rapprochés d’autre chose.

Diego : Mais c’est aussi un autre élément : on a fait certaines choses, et maintenant pour changer on veut faire d’autres choses. C’est pas qu’on veuille faire tout et n’importe quoi mais c’est une évolution qui vient aussi du fait qu’on a sorti deux EP, le premier était encore plus, on va dire, rock blues jazz-fusion, plus étendu au niveau de la « non-radioité » (rires), les morceaux à 7 minutes, 8 minutes, on se posait pas la question à l’époque.

 

Donc cela rentre dans l’équation de faire quelque chose qui serait plus « cadré » ?

Diego : Oui c’est vrai mais nous, à la base on kiffe les Beatles. Rien de plus commercial, rien de plus 3 minutes pile. Donc, ce n’est pas vraiment une évolution de nos goûts.

Sam : Ce n’est pas comme si on bradait nos goûts. C’est vrai que nous tous, on a des goûts assez commerciaux, et on l’assume ! Nos musiciens préférés, ce sont les musiciens les plus connus (rires) !

Jean : Aujourd’hui on n’a pas envie forcément de se mettre dans une case. On veut faire la musique qu’on aime.

Diego : C’est vrai que souvent, lorsque les artistes citent leurs modèles en terme de musique, ils sortent les références les moins connues du monde par snobisme parfois..

Sam : Nous, faut pas chercher très loin, nos influences viennent des plus grands musiciens, les plus reconnus de l’histoire du rock et du jazz. Même aujourd’hui.

Jean : Je pense que dans la musique qu’on fait en ce moment, on s’inspire plus de ce qui se fait aujourd’hui que ce dont on avait été inspiré pour les deux premiers EP. Nous on est à la base, basse-batterie-guitare, rock. On a avancé. On aime aussi d’autres choses.

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Diego au chant et à la guitare. Photo : Pierre Portolano

Concernant la composition de vos morceaux, vous avez gardé le même fonctionnement ?

Diego : En fait je propose la base de la compo puis après on l’arrange tous ensemble en répète à notre sauce.

Sam : En général, on met beaucoup de temps entre le moment où Diego nous propose un morceau et le moment où on le sort, on en profite pour le peaufiner. No Matter What They Say qu’on vient de sortir pour notre double single, ça fait un moment quand même, un an et demi à peu près qu’elle a été composé.

Jean : Alors quand ça sort, on n’a presque plus envie de l’écouter (rires) ! C’est vrai que c’est un peu dur d’avoir un recul, les choses sortent et on a déjà l’impression que celles sur lesquelles on travaille aujourd’hui sont déjà dans l’avenir… On vit un peu en décalage. On est super contents que ce double-single sorte enfin ! Entre temps, on a vraiment hâte que les autres chansons sortent, celles sur lesquelles on bosse depuis un moment et qu’on joue à peine en live. free fire game download for pc

… et qui sortiront dans le prochain album ?

Diego : Ah oui elles sortiront un jour, le plus prochainement possible. Mais on sera toujours en décalage.

Sam : Aujourd’hui, le numérique peut permettre d’être très rapide. En une journée, un morceau peut être produit et terminé et posté sur Soundcloud. Mais ce n’est pas du tout notre manière de faire.

Diego : C’est possible d’être productif en non-stop et de sortir des choses tous les jours. Mais ce sera des choses prévues en amont, et il y aura toujours ce décalage. Mais c’est vrai que pour ce double single, c’était particulier car si on était restés rock basse-guitare-batterie, on aurait sorti des choses plus vite. Et là, il s’est passé toute une période de préparation d’une nouvelle musique qu’on n’avait jamais jouée jusqu’alors. Donc forcément ça a pris un peu plus de temps.

Jean : Ça nous a demandé beaucoup d’apprentissage pour nous, beaucoup de trucs qu’on ne connaissait pas. On connaissait nos instruments, les touches noires et blanches d’un piano, la caisse claire et les cymbales d’une batterie et les cordes d’une guitare, mais on ne connaissait pas vraiment les logiciels, même les synthés analogiques.

Diego : En fait, c’est vraiment plein d’instruments, mais ça reste des choses « hardware », c’est-à-dire du vrai, un vrai instrument que tu prends sur toi. Tout ce qui est analogique, sur l’ordinateur, c’est de la programmation, on n’y avait jamais touché avant.

Jean : Et puis surtout, c’est une nouvelle source de création de fond, qu’on ne connait pas trop et avec lequel on doit se familiariser. On doit recommencer à reconnaître ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas, afin de savoir quels nouveaux sons on va ajouter dans nos compositions.

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Sam à la batterie. Photo : Pierre Portolano

Dans votre double single, on s’aperçoit vraiment d’un changement de son, de quelque chose d’organique vers une instru plus électro et plus pop. Pour cet opus, vous vouliez coupler cette partie électronique avec vos instruments et vous ?

Sam : Nos influences restent les mêmes, et il y a une certaine musique qu’on aimerait remettre au goût du jour, avec l’esthétique sonore d’aujourd’hui. Cela fait partie de l’apprentissage musical, aujourd’hui, avec l’arrivée du tout-électronique, donc d’énormément d’outils. Rien n’est vraiment établi, quand tu regardes chaque musicien, tout le monde a son système à lui. Alors que si tu veux faire un groupe de rock, il te faut une basse, une batterie, une guitare, un synthé. C’est très carré.

Maintenant, il faut s’électroniser,  et il y a mille manières de le faire, et chacun fait selon sa propre méthode. Il a fallu arriver à s’approprier quelque chose qui nous convienne, approprié à ce qu’on voulait faire. Il fallait à la fois rester musicien et d’autre part, ajouter de l’électronique, ce qui demande un travail équilibré.

En tant que batteur aujourd’hui, je me suis créé une batterie hybride : mes cymbales sont acoustiques, l’autre moitié est totalement électronique, agencée d’une telle manière que les sons viennent d’une vraie batterie. Ce sont des gestes naturels pour moi, je ne vais pas réapprendre à jouer. Je voulais garder des baguettes mais je n’avais pas envie de faire de la batterie avec mes doigts comme on peut le faire sur une MPC aujourd’hui !

Diego : Oui, au niveau de nos goûts, on aime ce qui est organique. On ne veut pas s’aseptiser pour autant. On trouve que dans certains instruments de base, il y a des trucs qui sonnent vraiment bien, et c’est ce qu’on aime. Quand tu joues d’une vraie cymbale, il y a plein de nuances différentes qui font que ça peut groover de ouf, et ça devient beau tout simplement. On aime qu’il y ait pleins d’intensités et de nuances différentes, et c’est avec ce genre de question de mise en place de l’effectif instrumental, qu’on peut trouver un juste milieu dans nos goûts différents. Par ailleurs, il y a des sons électroniques qu’on aime bien justement parce qu’ils sont totalement électroniques, et agencés avec un truc très organique, ça peut faire un beau mélange. C’est pour ça que Sam disait que c’est très long de faire toute la bonne configuration (qui n’est en plus la même selon chaque chanson bien sûr).

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Jean aux claviers. Photo : Pierre Portolano

Un nouveau titre, deux clips jumeaux

Sous une double identité, le clip No Matter What They Say divisé en deux points de vues, dans lesquels sont racontés la seule et même rencontre entre un homme et une femme qui finissent par ne plus se définir comme tels. Fabuleux dans la manière de raconter des histoires, ce clip explore les similitudes personnelles qui tendent à s’éclairer lors d’une rencontre. hd streamz for pc

Comme ce qu’avait fait Alt-J avec Every Other Freckle, vous avez choisi d’explorer le couple et l’identité par un double clip ?

Sam : Ça a été une superbe expérience, même si toute la préparation a été longue, pendant 6 mois- un an. Comme tous les clips qu’on fait, on a un pote d’enfance, Fabio Caldironi, qui est quasiment le quatrième membre du groupe. On écrit le scénario, et on l’a réalisé avec lui.

Diego : Indépendamment d’Alt-J, ce n’est pas un concept qui a été repris tant de fois que ça mais de toute manière on a voulu le faire à notre sauce, et surtout, ce thème de la recherche d’identité et du contre-courant était avant tout celui de la chanson (qui a été composée avant même qu’on songe à faire un clip dessus).

Sam : Ça collait avec l’esprit de la chanson. Contrairement à Alt-J où la narration est peu présente, dans notre clip on a essayé de raconter deux histoires qui se croisent. Deux clips qui se répondent l’un à l’autre. Au début, on suit des sneackers, à la fin ce sont des Doc Martens, et dans l’autre clip, ces Doc Martens sont suivies au début, puis on passe sur les sneackers. Tout est fait sur la symétrie, c’est ce qui le rend intéressant à notre sens.

 Voir le clip « garçon »

Des artistes que vous aimez en ce moment, ou qui se rapprochent de ce que vous faites ?

Jean : Tout de suite, je pense à LCD Soundsystem.

Sam : Jungle !

 

Vous êtes allés voir LCD Soundsystem à We Love Green ?

Jean : Ouais moi j’y étais mais j’ai préféré Hot Chip. D’ailleurs, je connaissais moins et ça a été une bonne découverte pour moi. Je ne les avais jamais vus en live et ça m’a mis une grosse claque. Voilà, LCD c’est vraiment raccord avec ce qu’on a envie de faire, ça mélange de l’électro et du rock. Mais par contre pour PNL, je suis pas resté longtemps (rires) !

Sam :  Aujourd’hui, le format musical est plus rapide. Tu écoutes moins d’albums en entier, mais ce sont plutôt des coups de cœur sur des chansons, il y a qui sortent et qu’on kiffe direct, tu vois Lean On de Major Lazer, c’est ça.

Jean : Nightcall de Kavinsky aussi, ça a été une chanson qui nous a vraiment marqué, au moment où on cherchait de sons un peu plus électro, on s’est beaucoup inspiré de son travail. Même l’univers du film, Drive, je trouve ça plein d’inspiration.

Diego : On aime ce style d’électro qu’on trouve à la fois très puissant et rentre dedans, mais aussi très raffiné d’une certaine façon dans le traitement et le mixage des sons. Il y a Glass Candy dans ce style là aussi, que j’avoue avoir découvert d’une façon totalement mainstream grâce au chef d’oeuvre de film Bronson, et je pense donc tout particulièrement au morceau Digital Versicolo qui en est la Bande Originale.

Sam : Chandelier de Sia qu’on reprend en live, c’est aussi un tube qui est très bien composé, un son qu’on adore.

 

Vous avez des dates, des festivals, des projets ?

Jean : Demain on part à Lille, dans un club et à Maastricht dans un squat, un truc plutôt propre, plus tourné vers la musique live, et on a une jam session après. Et normalement on fait un petit festival fin août.

Sam : On vient de sortir un double single, No Matter What they Say et la face B, Talking With a Stranger, aura à l’automne un clip dont on est très content : les images tournées sont super belles !

Diego : On y joue avec des costumes futuristes, dans une inspiration à la Space Oddity dans une sorte de vaisseau spatial à la fois futuriste et totalement et très daté : totalement kitsh quoi ! Sinon, il y a beaucoup de jeux de lumières, de miroirs, de néons et d’étranges personnages. Le clip est tout simplement la représentation d’une communication inter-spacio-temporelle… vous verrez ça.

Sam : comme dans No Matter What They Say, l’image du miroir est quelque chose qu’on aime bien. Le reflet dans un miroir est le lieu de la transformation, comme une interface avec l’apparence.

Votre release party (sortie d’albums ou d’EP) dans la boîte mythique des Bains-Douches était un passage important ?

On était déjà allés, on avait vu que c’était vraiment beau et hyper cool. On trouvait que le décor s’y prêtait vraiment bien. On s’est baignés après le concert mais rien à voir avec une piscine olympique,  c’est plus un jacuzzi !

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Jeudi 16 juin aux Bains. Photo : Pierre Portolano

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