Pour la première fois, un duo exclusivement féminin remporte le prix Nobel de chimie

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La Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna étaient déjà connues dans le monde scientifique. Hier, elles ont inscrit leurs noms dans les annales, en devenant les 6ème et 7ème femmes, et le premier duo exclusivement féminin à remporter le Prix Nobel de Chimie. 

Elles sont les inventrices des ciseaux moléculaires (ou CRISPR-CAS9), un système d’édition du génome – capable, donc, de couper, réparer, remplacer certains segments d’ADN. Sans rentrer dans les détails, cette méthode est révolutionnaire dans le traitement de maladies génétiques et des infections virales (telles que, notamment, le cancer).
Pour autant, l’invention est controversée – et d’autant plus en France, où les cultures d’OGM (organismes génétiquement modifiées) sont interdites. L’aspect éthique a d’ailleurs été soulevé lorsque, en 2018, un laboratoire chinois a tenté de modifier l’ADN d’embryons; on s’inquiétait alors d’un eugénisme susceptible de mener à une dystopie huxleyienne (Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley).

Mais c’est une victoire: les femmes représentent en moyenne 33% des chercheurs dans les pays d’Europe, et un brevet sur 7. Pour l’anecdote, le duo féminin était en compétition avec Feng Zhuang, un chercheur chinois qui avait déposé un brevet accéléré après le leur mais qui avait été accepté avant. Les nouvelles Prix Nobel espèrent inspirer les futures générations féminines: « la science est un domaine masculin (…) il faut être solide. »

Mais la scientifique, qui a quitté la France il y a plus de 25 ans, n’envisage pas d’y revenir. Emmanuelle Charpentier, dans une interview de 2016, suspecte que « l’Agence nationale de la recherche n’aurait pas alloué de fonds à son projet », posant la question de l’implication dans la recherche en France; la scientifique a fait sa thèse à l’institut Pasteur, avant de partir aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suède, en Autriche… aujourd’hui, son laboratoire est à Berlin, où elle estime avoir plus de liberté de gestion, mais aussi budgétaire.

La subvention allouée en 2020 par l’état au CNRS (Centre nationale de la Recherche scientifique) est de 2 638 000 000 d’euros – 2 milliards six cent millions (source: cnrs.fr); le gouvernement s’engage à augmenter le budget, ce qui est encourageant. Cependant, à titre de comparaison, Apple investit 11 milliards par an, et Google 16 milliards dans la recherche.

Mais en dépit des failles que cela souligne, c’est une belle victoire,  et un rappel encourageant, dans le brouillard épais du chaos de 2020, que le futur est féminin (et donc qu’il ne peut qu’être mieux) !