Critique « Solitude d’un autre genre » : un récit de vie indispensable

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Paru le 10 octobre dans nos librairies françaises chez Pika Graphic, Solitude d’un autre genre fait définitivement partie des titres à retenir de cette année 2018. Dans cette oeuvre autobiographique poignante, la mangaka Kabi NAGATA retrace ses quelques années de solitude et de dépression entre la fin du lycée et la découverte de son homosexualité, à 28 ans.  

Solitude d’un autre genre

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Auteur : Kabi NAGATA

Editeur français : Pika Graphic

Format : 170 x 240 cm, 152 pages

Prix : 18€

Traduction : Manon Debienne

Postface : Karyn Nishimura-Poupée

Date de parution : 10/10/2018

Synopsis 

Voilà, à 28 ans, sans expérience sexuelle ou de couple, en pleine journée du mois de juin, je me retrouve avec une prostituée. Pendant dix ans, j’ai traversé solitude, souffrance, troubles alimentaires, et pas à pas j’ai cherché qui j’étais et comment je pouvais être moi-même. ©Pika

En 2015, Kabi NAGATA, jeune mangaka de 28 ans, est dévoilée sur le site japonais Pixiv. Elle y publie alors Solitude d’un autre genre, manga autobiographique en six chapitres. Ici, « dévoilée », est probablement le mot parfait ! Dans son œuvre, la jeune femme retrace ses premières années de jeune adulte, sans vernis ni prétextes. Pression sociale, dépression, introspection, découverte de son homosexualité et d’elle-même, Kabi se livre sans s’épargner, et c’est ce qui touche.

En ligne, le manga dépasse les cinq millions de vues et voit, l’été 2016, sa version papier sortir dans les librairies japonaises. L’année suivante, il est publié aux Etats-Unis sous le titre My Lesbian Experience With Loneliness. Après plusieurs centaines de milliers de volumes vendus dans les deux pays, Solitude d’un autre genre a donc enfin trouvé sa place en France, chez Pika Graphic ! Pour rappel, cette collection rassemble les œuvres asiatiques se rapprochant du format du roman graphique. L’œuvre de Kabi NAGATA se distingue donc, en rayon, par sa taille plus imposante que celle d’un manga classique, et sa finition davantage soignée et rigide. Visant un public plus large que les amateurs de manga, le volume est à lire, de même, dans le sens de lecture français !

Une œuvre que nous attendions donc en France avec beaucoup d’impatience, et dans laquelle il est grand temps de vous plonger !

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Une autobiographie en deux tons

Du rose et du blanc. Dans Solitude d’un autre genre, Kabi s’exprime en deux couleurs. Et la couverture n’a pas échappé à ce choix surprenant, quoique charmant. Une jeune femme, qui n’est autre que l’auteur, fait face à une silhouette féminine striée de rose, tout comme le lit sur lequel elles se trouvent. La silhouette, c’est celle de la prostituée que la protagoniste a rencontrée pour avoir sa toute première relation sexuelle, à 28 ans.

Solitude d’un autre genre balance, en outre, entre ses jolies couleurs, ses dessins adorables, le ton souvent humoristique de son auteur, et les sujets particulièrement sérieux qu’elle aborde.

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Son point de départ ? Kabi, tout juste sortie du lycée et inscrite en art à l’université, abandonne ses études au bout de six mois. Privée de ses repères, de sa motivation et ne trouvant pas sa voie, la jeune femme commence à souffrir d’une dépression et de troubles alimentaires.

Elle entre alors dans une terrible routine, enchaînant les petits boulots et cherchant désespérément l’approbation de ses parents. Mettant longtemps son rêve de devenir mangaka et ses désirs de côté, Kabi développe une honte d’elle-même et des idées suicidaires.

Pourtant, si Solitude d’un autre genre transmet bien un message, celui-ci est profondément positif.

Solitude d’un autre genre et l’homosexualité

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L’œuvre de Kabi ne tourne pas autour de sa découverte de son homosexualité. Il s’agit ici du long cheminement de l’auteur pour sortir de sa dépression, et se trouver elle-même. Cependant, pour se faire, la jeune femme doit atteindre deux objectifs : sortir de sa solitude, et découvrir ses propres envies.

Vivant jusqu’alors en essayant de répondre aux attentes de ses parents et de la société, Kabi s’interroge enfin, à 28 ans, sur ce qu’elle souhaite réellement. Petit à petit, elle prend ainsi conscience de ce qui lui manque vraiment…prendre soin d’elle, être étreinte et explorer sa sexualité, trois choses qu’elle s’était interdites sans s’en rendre compte! Dans Solitude d’un autre genre, l’homosexualité n’est pas, finalement, pas uniquement refoulée par crainte de réactions homophobes. Elle l’est car elle implique la sexualité, qui elle-même implique… de grandir !

En s’interrogeant enfin sur ses envies, la jeune femme réalise qu’elle est attirée par les corps féminins, et que ses fantasmes (en partant du simple câlin !) n’impliquent que des femmes. Qu’à cela ne tienne ! A 28 ans, la mangaka en herbe est déterminée à comprendre ses sentiments et à les écouter. Toujours peu confiante en elle, marquée par ses années de dépression (perte de cheveux, scarification, maigreur…), la jeune femme décide de s’épargner l’étape « séduction », et d’avoir recours à une prostituée. Un rendez-vous pris plus loin… Kabi s’apprête à franchir une étape déterminante de sa vie.

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La boucle est bouclée!

Finalement, la découverte de la jeune femme de son homosexualité est le point le plus positif du manga. Celui où Kabi accepte à la fois de devenir adulte, et ses désirs !

Il s’agit, en outre, du point de départ du grand tournant de sa vie professionnelle. Quoique rêvant d’être mangaka et s’étant lancée depuis peu dans l’aventure, Kabi ne travaille que sur des planches commandées et ne parvient pas, là encore, à s’épanouir. Pour elle, la raison est simple : elle ne peut dessiner que ce qu’elle connaît. Pour pouvoir bien traiter un sujet, il faut en avoir fait l’expérience…

Vous l’aurez compris, c’est ici que Solitude d’un autre genre nait. Après avoir connu la dépression, la peur viscérale de l’échec, une longue introspection et la découverte de son homosexualité… Kabi dispose enfin d’une grande expérience à partager à travers ses dessins. La boucle est, merveilleusement, bouclée.

Un manga qui fait du bien

Solitude d’un autre genre est, sans conteste, une œuvre tout en nuance. Ni triste, ni joyeuse, finalement comme beaucoup d’étapes de la vie. Les thématiques abordées, quoiqu’intimes, sont absolument universelles. Touchant, déculpabilisant et bouleversant, cette oeuvre s’adresse définitivement à tous les jeunes – et moins jeunes – adultes, qui, pressés par les conventions sociales, oublient de se chercher. En nous livrant son témoignage, au travers de traits fins et de rose pastel, Kabi NAGATA nous rappelle qu’il n’est jamais trop tard pour s’intéresser à soi-même. En suivant son exemple, peut-être même trouverez-vous ce « doux nectar » que recherchait tant l’auteur… 

Paru le 10 octobre, Solitude d’un autre genre n’attend plus que vous en librairie !