Noces de sang, une nouvelle traduction de la tragédie andalouse

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Publiées pour la première fois en 1936 aux éditions Cruz y Raya, les Noces de sang de Federico Garciá Lorca ont bénéficié en 2014 d’une nouvelle édition aux éditions Cátedra, qui tient compte des premières versions et des révisions successives du texte par Lorca. C’est la traduction de cette version que nous pouvons trouver dans les Noces de sang publiées aux éditions Folio Théâtre le 7 septembre 2017. 

Un impossible amour

Les Noces de sang mettent en scène trois familles. La famille des Félix a été source de malheur pour celle du Fiancé, assassinant le père et le frère de ce dernier. Quant à la Fiancée, elle a à ses quinze ans été promise à Leonardo Félix, seul nommé de la pièce, avant de renoncer à ce mariage en raison de la pauvreté des Félix. C’est aux noces des fiancés que le dramaturge nous convie, noces troublées par la passion qui lie toujours la Fiancée à Leonardo. Le destin de ces trois familles est inextricablement lié et Lorca tisse toute sa tragédie autour du fil de la fatalité, imprégnant du début à la fin les dialogues du champ lexical des couteaux. D’une référence aux Parques dès l’entrée de la pièce, il en vient à personnifier la mort sous les traits d’une vieille mendiante et le fatum sous ceux de la Lune dans le troisième et dernier acte. L’aspect mythologique de la pièce est rehaussé par les lumières des décors décrits par Lorca. De l’ambiance rosée familiale lorsque les personnages parlent d’amour et d’espoir aux ambiances froides et angoissantes lorsque frappe le destin, les dialogues emprunts de mythologie gitane sont toujours parfaitement accompagnés par la description des teintes de l’éclairage et des costumes.

Une tragédie andalouse

Pour ses Noces de sang, Lorca s’est inspiré d’un fait divers qui a eu lieu près d’Almería en Andalousie en 1928. Cette pièce de théâtre est le premier volet de sa trilogie paysanne, complétée par Yerma, puis par La maison de Bernarda Alba. Très attaché à la campagne andalouse, Lorca en peint le mode de vie, les coutumes et les habitants. C’est de là qu’est né le tragique de la pièce, de l’impossible concrétisation de l’amour entre la Fiancée et Leonardo en raison du peu de fortune de ce dernier, le Fiancé étant quant à lui très riche. Les maisons des personnages sont extrêmement isolées les unes par rapport aux autres, chacun vivant dans la solitude et le labeur. Le Fiancé vit sous la coupe d’une mère castratrice, tandis que la Fiancée est d’un caractère affirmé et robuste. Alors que ce sont les parents des Fiancés qui arrangent leur mariage, parlant possessions, richesses et organisation de leurs terres, tout n’est que vengeance, passion et honneur

Des éclairages passionnants

Dans cette édition, la pièce de théâtre de Lorca est accompagnée d’une préface rédigée par Albert Bensoussan, à l’origine de cette traduction, et d’une notice passionnantes. Les deux sont riches en explications et anecdotes tant en rapport avec l’écriture des Noces de sang qu’avec la vie de Lorca. On y découvre ou redécouvre un poète musicien dont les œuvres regorgent de coplas (chants populaires poétiques espagnols), mais aussi un peintre talentueux. Cela explique l’attention minutieuse portée à la description des couleurs peuplant la pièce. Ni trop longues ni trop courtes, jamais ennuyantes ni répétitives, la préface comme la notice sont accessibles à tous les lecteurs, quel que soit leur âge, et sont un complément précieux à la pièce. Elles nous donnent à voir un homme humaniste, talentueux et passionné. A lire assurément, vous ne serez pas déçus ! Dans sa préface, en présentant Federico Garciá Lorca, Albert Bensoussan use d’une citation très représentative de Morla Lynch :

Toujours l’obsession de la mort dans les poèmes de Federico, encore latente dans les images les plus pleines de lumière, les plus pléthoriques d’optimisme. La mort et l’amour. Les deux extrêmes : la fin et le début…

Ces paysans de Federico sont humains, vrais, mais pas toujours liés à la terre : ce qu’ils expriment est d’une ineffable beauté, mélange de rusticité et d’inspiration poétique. Voilà des paysans, bûcherons, villageois, rudes et agestes, qui soudain s’élèvent à des régions spirituelles…

Cette description correspond parfaitement aux Noces de sang : une poésie tragique baignée dans le surnaturel de la campagne andalouse.