La légèreté de l’être vous est-elle insoutenable?

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À quelques jours de la première épreuve du baccalauréat 2015, nous vous proposons de découvrir une œuvre aux tonalités philosophiques qui résonnera en vous des années après l’avoir achevée.

Milan Kundera

Il s’agit de l’œuvre la plus connue de Milan Kundera. D’abord fidèle du parti communiste, ses premiers écrits s’inscrivent dans une vision marxiste du monde et sont vus comme des messages d’anti-totalitarisme. Mais Kundera participe activement au Printemps de Prague et aux envies libertaires du moment et se voit déchu de sa nationalité tchèque en 1979. C’est en France et en Français qu’il publie L’insoutenable légèreté de l’être, son cinquième roman. La plupart de ses romans peuvent être qualifiés de philosophiques car ils mettent en scène des individus aux prises avec la politique et l’Histoire, cherchant à créer du sens.
Aujourd’hui, l’intégralité de ses écrits a été regroupée dans la Pléiade et bien que fuyant toute médiatisation, il est l’un des plus grands auteurs du XXe siècle encore vivant.

L’insoutenable légèreté de l’être

L’histoire se déroule en 1968 à Prague et s’articule autour de la vie d’artistes et d’intellectuels, les cibles favorites des opposants. Le parti communiste tente d’introduire un socialisme à visage humain et se fait renverser par les Russes qui désirent étouffer ce programme de libéralisation, perçu comme une menace. L’analyse de Kundera déguise donc également une critique de l’invasion de son pays par les forces russes. C’est bien le Printemps de Prague que l’auteur nous décrit là.
Le livre s’ouvre par un début d’histoire d’amour tout à fait atypique. Tomas, le héros, est un brillant chirurgien vivant à Prague. Il tombe complètement par hasard sur Tereza, tchèque elle aussi, photographe à ses heures perdues qui perdra son boulot lorsqu’elle proposera aux journaux étrangers des photos très engagées de l’invasion russe.

L’amour

La rencontre entre Tereza et Tomas est métaphorique. Le jeune chirurgien compare la jeune femme à un enfant que l’on aurait abandonné sur un fleuve pour qu’il le recueille. Thomas est persuadé qu’il ne peut être vraiment lui-même que s’il demeure célibataire. Pourtant, il est inexplicablement fou amoureux de Tereza. Il ne peut s’empêcher d’entretenir des histoires libertines, qui blessent sa compagne dès qu’elle les découvre. Lorsque la jeune fille commence son nouveau travail dans un hôtel, elle est souvent courtisée. Les clients lui font des avances. Elle éprouve alors un désir incompréhensible d’offrir son corps à un autre. Tomas essaie sans cesse de la persuader que l’amour et l’acte d’amour sont deux mondes différents. Elle ne cherche pas à se venger de Tomas mais elle voudrait comprendre et apprendre la légèreté et la joyeuse futilité de l’amour physique.

Éternel retour

Kundera articule son chef d’œuvre autour du mythe nietzschéen de l’éternel retour. Chaque personnage est extrêmement conscient que l’Homme ne vit qu’une fois, et puisque sa vie ne se répète pas, il ne peut pas corriger ses erreurs.

« L’homme ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir car il n’a qu’une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans les vies ultérieures. »

Selon Kundera « ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est ne pas vivre du tout », et il oppose à la vision cyclique et statique de Nietzsche une vie dynamique où l’homme se voit confronté à des choix variés et à une certaine légèreté qu’il oppose à la pesanteur. Suivant cette philosophie de vie, l’homme préfère ainsi une vie de légèreté et un manque absolu de responsabilité.

Philosophons…!

Les notions de Légèreté et de Pesanteur sont les deux notions fondatrices du livre. Dans l’antiquité grecque, Parménide a établi une polarité des mots, la pesanteur étant négative et la légèreté incarnant alors le pôle positif. Kundera est en désaccord avec cette philosophie et tente de montrer le paradoxe et l’ambiguïté de chacun de ces deux pôles. Bien qu’il éprouve des sentiments très forts envers Tereza, Tomas recherche le plaisir immédiat, en évitant de tomber dans la passion. Il incarne donc à la fois la légèreté et la liberté. La pesanteur, à l’inverse, renvoie au fait de penser selon une morale rigide et prédéterminée. Tereza l’incarne dans le roman. Faible et soumise à ses sentiments amoureux, elle est possessive et profondément jalouse de Tomas, son compagnon volage. .

« Nous croyons tous qu’il est impensable que l’amour de notre vie puisse être quelque chose de léger, quelque chose qui ne pèse rien; nous nous figurons que notre amour est ce qu’il devait être; que sans lui notre vie ne serait pas notre vie. »

Kundera offre à son lecteur plusieurs pistes de réflexions autour de thèmes très modernes tels que la pudeur et le corps, l’âme, la compassion, la jalousie, les hasards…Adapté au cinéma en 1987 avec Juliette Binoche dans le rôle de la fragile Tereza, nous préférons tout de même rester fidèles au papier. Alors, laissez-vous séduire !

 

source image: booknode