Dossier : La série Yakuza partie 2

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Qu’il est bien difficile d’introduire un tel article. Autant, pour le premier (disponible ici), j’aurais pu faire plusieurs introductions passionnées, mais ici, je peine à démarrer. Pourquoi ? Eh bien parce que nous allons aborder aujourd’hui les problèmes de la série, et même s’ils ne sont pas légion,  ils sont suffisamment importants pour plomber la série en France et l’empêcher d’être aussi visible qu’elle le mériterait.  Bienvenue dans l’enfer de la localisation !

La localisation pour les nuls

Je ne vais pas vous sortir une définition du dictionnaire parce que je préfère vous expliquer tout ça adapté au monde du jeu vidéo. Un jeu est en développement jusqu’à sa sortie, jusque-là, ça va. Ensuite, il est commercialisé dans la zone géographique dans laquelle il est produit. En général, un jeu développé aux États-Unis n’aura pas beaucoup de mal à sortir là-bas. Sauf que, je suppose que vous aviez remarqué, si on jouait aux jeux faits par des français, on n’aurait pas grand-chose à se mettre sous la dent, surtout si l’on considère désormais Ubisoft comme une société plus internationale. Donc souvent, un éditeur procède à la localisation afin que le jeu soit disponible en même temps sur les trois grands marchés du jeu vidéo : le Japon, les États-Unis et l’Europe. Mais parfois, les jeux seront disponibles en décalé comme les Final Fantasy qui sont bien souvent sortis en avance au Japon avant d’arriver en même temps, quelques mois plus tard dans le reste du monde.  Pour Yakuza, c’est là qu’intervient le problème majeur.

Des difficultés dès le deuxième opus

Comme je l’ai mentionné dans la première partie du dossier, le premier opus est sorti chez nous avec des voix certes américaines, ce qui pourrait choquer les puristes amoureux du Japon, mais doublées par des interprètes connus et talentueux. Et surtout, il était sous-titré en français. Je sais, pour certains, ça paraît être la moindre des choses, mais j’espère que ceux qui ont connu cette version se rendent compte de leur chance, parce que depuis, cela n’est plus jamais arrivé. En effet, dès que Yakuza 2 est sorti chez nous en 2008 (soit près de 2 ans après la sortie japonaise), il y a eu un total abandon de la part de Sega, qui nous offre une localisation à la va-vite calquée sur la version américaine. L’ arrivée des voix japonaises, ça ce n’est pas déplaisant, mais fini les sous-titres dans la langue de Molière (et toute autre langue européenne d’ailleurs). On a des sous-titres anglais à la place. Et cela ne changera probablement jamais. Soyons clairs, je ne suis pas bilingue, mais en général je comprends l’anglais quand je le lis. Mais Yakuza propose une histoire complexe avec des rivalités de clan et des termes assez techniques ou culturels. Devoir comprendre tout ça en anglais, c’est plutôt complexe, déjà pour ceux qui sont familiers avec la langue et encore plus pour les autres. Et jouer à un tel jeu en ne comprenant rien à l’histoire, c’est vraiment dommage.

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Ce bon vieux quartier de Kamurocho

Adieu les spin-offs

Certes, les jeux sous-titrés en anglais, ça peut faire rager. Mais en général les fans de Yakuza ne se plaignent pas trop là-dessus parce qu’au moins, ils peuvent y jouer, et comprendre au moins quelques trucs, même si on n’a pas le niveau de lire du Shakespeare. A l’opposition de jeux qui ne sortent tout simplement pas du Japon. Cela a commencé avec Ryu ga gotoku kenzan ! Un spin-off sorti au Japon en 2008, qui narre l’histoire de la genèse des yakuzas en pleine ère edo, en 1605. Autant dire qu’un jeu de samouraï à la sauce Yakuza, ça donnait carrément envie, mais jamais ce jeu n’a été traduit, même pas en anglais. Du coup, si vous voulez y jouer, il faudra passer par l’import et des cours de japonais. Je ne pourrais pas trop parler du gameplay car hélas, je n’ai jamais pu y jouer.  De toute manière je n’aurai rien pigé. Je le sais car j’ai pu jouer en revanche à l’opus Psp intitulé Black Panther pour l’Occident, ce qui est assez ridicule, vu qu’il n’est jamais sorti là-bas. Tout ce que je peux vous dire là-dessus c’est que l’histoire nous faisait incarner quelqu’un d’autre que Kazuma, et qu’un mode free-fight nous permettait de personnaliser son propre combattant / malfrat. C’était très sympa, mais je mettais toujours 20 minutes à retrouver mes repères dans les menus. Adieu Black Panther ainsi que sa suite pour les possesseurs européens de Psp. Plus récemment, je pense qu’on peut également dire adieu à Yakuza Ishin, un spin-off qui nous plaçait cette fois en 1868. Pour renforcer l’injustice, on pourra noter que cet opus a reçu d’excellentes critiques par la presse spécialisée japonaise.

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Ishin, un jeu génial acclamé par la critique. A acheter en import avec une méthode de japonais

Yakuza dead souls le survivant

Au milieu de tous ces naufrages qui renforcent petit à petit le dégoût des fans, un survivant improbable voit le jour. Quand il est annoncé sous le nom de Yakuza of the end,  certains journalistes croient que la fin de la série est arrivée. Il n’en est rien puisque « of the end » représente un contexte post-apocalyptique. En effet, il surfe sur la vague très (trop ?) utilisée des zombies ! Alors Yakuza dans les périodes historiques japonaises, pourquoi pas, mais Yakuza en mode zombie… ça se discute. Et là-dedans, ce qui est le plus improbable, c’est qu’il soit parvenu jusque chez nous, mais toujours pas traduit en français, il ne faut pas déconner quand même ! Côté esprit, on retrouve bien l’essence de la série, les « substories », les délires parfois, les personnages emblématiques. Au passage, Goro Majima est jouable, ce qui justifie à lui seul l’achat du titre pour les connaisseurs. En revanche, question gameplay, on se rapproche plus d’un shooter hybride action-aventure, pas du tout d’un survival-horror, du coup… c’est un peu raté, et on se retrouve devant un ovni. Yakuza dead souls a quelque peu déçu les fans de la série, mais c’est pourtant bien à ceux-là qu’il s’adresse, en ayant loupé sa tentative de s’adresser à un plus large public. Yakuza restera malgré tout Yakuza.

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Goro Majima, un personnage haut en couleurs (et accessoirement légérement psychopathe)

En parlant des défauts…

Les opus principaux, hors spin-off donc, sont parvenus sans problème à nous jusqu’au 4ème. La localisation, fait certes grincer des dents, mais il faut bien admettre qu’au-delà de ce problème, le tout peine à se renouveler. Kamurocho est un quartier mythique, je pense que les fans seront d’accord là-dessus. Mais il faut bien dire qu’il est exploité dans tous les opus, du 1 au 4 ( et même dans les Black Panther) sans quasiment aucun changement. Un chantier de construction par-ci, un bar qui se transforme par-là, mais sinon, niveau dépaysement, c’est raté. Je crois que je connais mieux Kamurocho que mon propre quartier, ce qui en dit long ! Alors certes, il y a bien quelques ajouts de zones, notamment un quartier d’Okinawa dans l’épisode 3, quelques mini-jeux en plus, mais ce n’est pas transcendant. Je n’oublierai pas mon rêve de pouvoir explorer Tokyo avec Kazuma, et ce, en se rapprochant un peu plus d’un vrai, grand et bel open-world (petite pensée particulière pour Sleeping dogs, Gta-like, qui met le paquet niveau dépaysement). Et en parlant de Kazuma, heureusement que Sega a eu l’idée de proposer quatre personnages jouables à partir du 4ème opus, parce que nous saturions à force de faire toujours les mêmes coups.

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Shun Akiyama, du sang neuf qui fait du bien…

Sega, maître du cercle vicieux

Déjà depuis 2008, on ne sentait pas une extrême confiance de Sega pour le marché occidental et de ce fait, l’éditeur a installé un cercle vicieux bien violent. Sega est déçu des ventes et juge que Yakuza n’est pas fait pour l’Occident, le choc culturel étant à son goût trop important. De ce fait, on oublie les traductions, ça prend trop de temps et d’argent pour pas grand-chose. Les spin-offs, « ne se vendront pas bien ». Le plus honteux, c’est que Yakuza 3 est bien parvenu jusqu’à nous mais avec des parties amputées de l’œuvre originale. Adieu les bars à hôtesses, le majong et un quiz sur l’histoire du Japon. Sega s’est exprimé sur ces coupes, le but étant de gagner du temps pour la localisation, jugeant ces fonctions peu adaptées à l’Europe et aux États-Unis. Ensuite, les ventes sont encore décevantes, même après Dead Souls, seul spin-off a être sorti hors japon (sans doute parce que le zombie, c’est vendeur) alors on laisse tomber l’idée d’une localisation, tout simplement. Les joueurs pourront oublier la version Hd du 1er et 2eme opus (qui débarquait pour la première fois sur Wii U), les spin-offs bien sûr, et même Yakuza 5, sorti depuis plus de deux ans au Japon. Au moment où un Yakuza Zero, dont l’action se déroulera pendant les années 80, sort bientôt au Japon sur Ps4, on peut dire que l’espoir est réduit quasiment à néant. Et toute cette logique a un goût très amer, puisqu’on ne peux s’empêcher de penser que des versions des jeux traduits se seraient bien mieux vendues que ces trucs balancés à la va-vite sur le marché, et qui, du coup, n’intéressent que les fans de la série. C’est d’autant plus dommage que le remake Hd, s’il était sorti en Europe et traduit, aurait été un excellent moyen de faire découvrir la série aux non-initiés. Mais non, on nous juge trop idiots pour s’intéresser un peu à une autre culture.

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Croisons les doigts pour Yakuza Zero

La conclusion aurait pu être très dure, et se terminer sur un méchant coup de gueule, mais au lieu de ça, je préfère rester positif. En effet, en décembre, Sega a fait un communiqué pour annoncer que Yakuza 5 sortirait en Europe courant 2015. Mieux vaut tard que jamais ! Cela ne veut pas dire pour autant qu’il sera traduit, ni que Yakuza Zero verra le jour sur nos Ps4, mais le simple fait que l’éditeur communique là-dessus peut nous donner envie d’espérer un meilleur futur. Il se peut que j’aie juste envie d’être optimiste, et qu’en fait, le 5 sera le dernier Yakuza qui parviendra jusqu’à nous. C’est dommage, car la série n’est peut-être pas parfaite, mais apporte quelque chose d’original, son esprit, ses mécanismes, tout étant très personnel et très enrichissant si l’on accroche au principe. Hélas pour le moment, elle s’adresse plus aux connaisseurs, vu la localisation que nous « offre » Sega. Toutefois,  il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Surtout qu’en ce moment, Yakuza 4 est gratuit pour les possesseurs du Ps +.  C’est au moins un bon défouloir, au mieux un titre dépaysant et immersif. Cela pourra dépendre, notamment, de votre maîtrise de l’anglais. A vous de voir ! Je vous laisse cette fois sur le trailer de Yakuza dead souls que je trouve absolument excellent !