Manos Sucias: Plus qu’un documentaire, mieux qu’un documentaire

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© Pretty Pictures

Manos Sucias, une magnifique incursion dans un autre monde, qui aboutit à l’émergence d’une question : est-on coupable de vouloir s’en sortir ?

A Buenaventura, le plus grand port de Colombie sur le Pacifique, entre la pauvreté, la drogue, les trafiquants, les bandes armées, les paramilitaires, on vit. On vit malgré eux, on vit avec eux.
L’océan, les disparitions, les trafics, la mort, les petites joies, la danse, la musique, la violence sont le lot de chaque jour. C’est le quotidien d’une vie où tout est bon à prendre pour essayer de s’en sortir.

Accepter la mission de convoyer une torpille remplie de drogues d’un endroit à un autre avec la perspective d’autres missions du même style, semble être une bonne entrée dans un monde qui
semble facile et qui peut rapporter de quoi améliorer son quotidien. Cette mission parsemée d’embûches, de contrôles militaires, de trafiquants détraqués, d’attentes, de rencontres va devenir une quête, une découverte de soi même. Une mission initiatique.

Dans ce monde sans codes, ou plutôt avec des codes différents, la violence et la survie sont omniprésents. On est amené au fil de l’eau à se poser la question : « La violence pour survivre peut elle être qualifiée de violence ou est-elle seulement un vecteur de survie ? »

Plus qu’un documentaire, mieux qu’un documentaire. Ce que nous fait partager ce jeune réalisateur nous fait changer notre regard. On devient partie prenante de ce trafic pour survivre. On assiste impuissants à une escalade de la violence. On ne juge plus. L’émotion nous envahit. On veut qu’ils réussissent, on veut qu’ils s’en sortent, parce qu’ils nous touchent. Le film nous met dans une position inconfortable.

Une histoire soutenue par des plans photos magnifiques, accompagnée par une bande son entre rap et hip hop colombiens et emmenée par des acteurs talentueux. Quelques longueurs et un peu de confusion ne nuisent pas au déroulé de la narration. Plus qu’un documentaire, mieux qu’un documentaire : quand on sait que la population locale a été mise à contribution. Une manière de leur donner les moyens de s’exprimer et qui sait, de s’en sortir.

Si l’objectif d’un film est de faire prendre conscience qu’il existe d’autres mondes, Si l’objectif d’un film est de faire oublier son propre monde, Si l’objectif d’un film est d’ouvrir nos esprits à autre chose, Si l’objectif d’un film est de se questionner,

Alors : objectifs atteints.

Une belle émotion pour ce très beau premier film diffusé en France par Pretty Pictures.