Critique « Wonder Woman » de Patty Jenkins : l’Empire (DC) contre-attaque !

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Rincé par la presse et son concurrent Marvel, c’est un DC littéralement aux abois qui sort Wonder Woman. Car derrière l’origin-story de la guerrière amazone, se cachait (officieusement) une double mission : ramener la confiance après les échecs de Suicide Squad et Batman vs Superman tout en mettant l’accent sur une figure trop souvent éloignée de la fange super-héroïque : les femmes. A l’arrivée, la surprise est donc d’autant plus grande de voir que cette manœuvre désespérée porte ses fruits : le film étant une véritable tribune pour la géniale Gal Gadot, ainsi qu’une affirmation claire du potentiel du DCEU. 

Un DCEU dont la dernière itération n’avait d’ailleurs pas manqué de nous faire rire (aux larmes). Mais si, vous vous souvenez : Suicide Squad ; le bestiaire de méchants de la Warner remplis de trognes mal dégrossies tout juste bon à rouler des mécaniques sous fond d’une couverture musicale digne d’un jukebox sous cocaïne. Autant accident industriel que gros navet sous tranxène, le film avait surtout payé la stratégie (suicidaire) de Warner qui avait cru utile de déployer une promotion jouant sur le cool de ses anti-héros quand ces derniers n’avait que le cool d’un père noël de supermarché. Résultat, aux gentils requins de la street espérés, on s’était retrouvé avec une bande de vulgos tout justes bon à balancer punchline et douilles sur le sol. Passé cet échec qui avait vite fait de propulser DC dans l’abîme, nier qu’on ne redoutait pas Wonder Woman tenait au mensonge digne de l’arracheur de dent. Et la production ne se dérangeait pas pour amplifier le malaise. Car entre reshoots, scénario constamment réécrit et une réalisatrice rompue aux épisodes de série télévisées, le film faisait tout pour nous dissuader de l’apprécier. C’est donc avec entrain (car première fois qu’une super-héroine a droit à SON film) mais méfiance que nous nous sommes risqué à aller sur l’îlot de Themyscira, voir si Wonder Woman, 76 ans après sa création et surtout près de 40 ans après la série portée par la sculpturale Lynda Carter, avait enfin l’adaptation qu’elle méritait. 

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Une Gal Gadot transfigurée…

Une adaptation d’emblée placée sous le signe de la fraîcheur. Puisque si l’on connait tous les oripeaux de la guerrière amazone tels que son juste au corps particulièrement saillant, son lasso de la vérité, son bouclier, etc, il en est quelque peu différent de ses origines ; de son passif au sein des amazones, ces créations des dieux chargées de défendre la Terre. En ça, le film devient terriblement attrayant puisque novateur, et ce bien que la recette louche pas mal sur le Thor de Marvel avec qui il partage la même propension à mêler mythologie, naïveté et Histoire. Et d’histoire il en est question, puisque c’est par l’entremise du capitaine Steve Trevor (excellent Chris Pine) et de la Première Guerre Mondiale qu’il amène avec lui, que la belle amazone va être confrontée à l’horreur d’un monde qu’elle ne connait pas et qu’elle va pourtant devoir embrasser pour assumer son identité. Un choix forcément couillu (appréciez le jeu de mot !!) quand on y pense, qui n’est heureusement pas le seul, car au détour d’un premier acte malicieux et majestueux en diable, le film met l’accent sur son meilleur élément : Gal Gadot. L’actrice israélienne fait ainsi plus que porter le bustier de l’amazone avec poigne : elle EST Wonder Woman. Une affirmation qui va de pair avec le film qui sait ou il veut aller, quitte à accélérer son récit et proposer une mise en scène, qui si elle lorgne un peu trop du coté de Zack Snyder, sait heureusement distiller des moments de bravoure et de tension. Un état d’omniscience qui tranche paradoxalement avec l’humour contenu dans le métrage. Jamais lourd, souvent poussé pour appuyer le décalage entre les principes de Diana et ceux d’une société londonienne encore très réfractaire à la cause des femmes, l’humour fait mouche quitte à laisser planer un sentiment de légèreté et de camaraderie à l’ensemble.

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… pour un film encore trop classique sur les bords. 

Reste que derrière ce concert de louanges adressé au film, la première aventure de l’amazone n’est pas dénuée de défauts. Si l’on apprécie que Patty Jenkins, décidément plus à l’aise dans les moments intimes que les franches scènes pyrotechniques, parvienne à ne miraculeusement pas sexualiser son héroïne, on ne peut en dire autant de son aptitude à user de son contexte pour la rendre conquérante. Car si son degré de badasserie tutoie sans ciller les sommets, c’est bel et bien parce que la Warner tombe dans un travers identique à Marvel : le soin apporté aux méchants. Hitchcock disait souvent que meilleur est le méchant, meilleur est le film. Un adage ici respecté qu’à moitié à la vue de ceux chargés de mener la vie dure à l’amazone. Entre un colonel allemand et une chimiste défigurée, le film n’arrive pas à distiller dans ces deux figures une réelle menace, quitte à ce qu’on ne ressente jamais ce sentiment d’urgence qui prédominait déjà dans le premier Captain America (qui contexte et traitement oblige lui est lié). Une déception par ailleurs amplifiée par la mise en scène d’un troisième acte qui reprend sans vergogne TOUS les travers des films de super-héros, quitte à en reprendre  l’extraordinaire bouillie numérique et le combat titanesque entre notre gentille héroïne et sa Némésis recouverte de CGI. Un constat décevant puisque en donnant le la à une équipe technique féminine et à fortiori une héroïne, on attendait un peu de renouveau dans la manière d’appréhender ce qu’est un film de super-héros. On en n’aura que le gout à défaut d’en avoir la substance, mais c’est une bien piètre consolation pour un film qui entendait bien (officieusement) mettre au ban 15 ans de cinéma de super-héros masculin et enfin placer la femme à sa place véritable : celle de l’avenir de l’homme.

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Loin de l’ambition d’un Batman vs Superman, Wonder Woman n’en demeure pas moins un honnête divertissement, sans doute un peu trop formaté pour convaincre définitivement. Reste cela dit l’extraordinaire alchimie entre Gal Gadot et Chris Pine et un plaisir palpable à la vue de notre amazone qui poutre de l’allemand sur fond de guitare électrique, pour reprendre espoir dans le DCEU. 

 

Wonder Woman : Bande-Annonce