Critique « Toni Erdmann » de Maren Ade (Cannes 2016)

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Présenté en compétition officielle du 69ème festival de Cannes, Toni Erdmann est le 3ème long métrage de la réalisatrice allemande Maren Ade. son dernier film, EVERYONE ELSE avait déjà obtenu 2 récompenses en 2009 à la Berlinale. Ce film est le premier à avoir vraiment fait sensation dans la compétition cette année.

Synopsis: Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d’un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l’aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…

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Un drame qui devient une comédie.

Le cinéma allemand, très peu connu ni distribué dans les salles françaises, manque-t-il cruellement de comédies?
Mais qui est donc ce Toni Erdmann? comme pour annoncer qu’il va falloir être patient, (2h42 pour un si bon film qui aurait pu/dû être raccourcis) le film ouvre sur le plan d’un coursier qui sonne, attend, dit bonjour, puis attend à nouveau. Débarque alors Winfried, le père d’Ines. L’humour qui fait ses plaisanteries lorsqu’il enfile son dentier et sa perruque, est aussi lourd que ringard. Cerise sur un gâteau raté, ses coussins péteurs qui ne font rire que lui. Mais lorsqu’il s’agit de s’inventer une vie pour envahir celle de sa fille en mal de bonheur, il est très fort, bien que maladroit . Dès lors que le dentier est en place, Toni Erdmann ne fait pas rire, il fait sourire. Un léger sourire en coin de lèvre, mais ce coté sympathique le rend si bon. (Ci-dessus, un exemple avec la fameuse blague qui n’en est finalement pas une: « j’ai perdu la clés des menottes »).

Les moments forts de TONI ERDMANN sont soit intenses, soit drôles, et parfois tristes. Ce passage par tous ces états rend le film de Maren Ade si beau, qu’il en fait l’un des favoris de la compétition. C’est donc ça l’humour allemand? Une subtilité de certaines comédies françaises, une élégance britannique, mais rien de trop américain, quoique dénoncé par le coté lourd du père. Même si la vraie protagoniste se trouve être Ines, elle n’apparaît pas dès le début, car la première partie du film, centrée sur son père, nous fait comprendre l’importance qu’il devrait avoir dans la vie de sa fille, et illustre la différence entre leurs 2 vies. Ce qu’il lui apporte est si précieux, qu’elle va froidement se prendre au jeu.

Sandra Hüller vers un prix d’interpretation?

Ines vie à Bucarest et a tout pour être heureuse: elle est belle, élégante, gagne très bien sa vie, s’entend bien avec ses collègues, (dont l’un d’eux est son amant). Ines vit dans le luxe… Mais Ines est seule, triste, froide, peu émotive mais au final, émouvante. Cette actrice habituée aux pièces de théâtre et aux drames joue là sa première comédie. Comme elle l’annonçait en conférence de presse, elle ne sait pas si son personnage entre dans ce registre. Malgré elle, elle se retrouve au centre des 3 moments les plus drôles et extrêmement étonnants du film: Une interprétation mémorable d’une chanson de Withney Houston, ou une scène de nudité tellement drôle et surprenante qu’elle en est inoubliable. avant même d’avoir vu tous les films de la compétition, et malgré la puissance dégagée par les comédiennes d’Almodovar dans JULIETA, c’est les yeux fermés qu’on pourrait lui attribuer un prix d’interprétation.nue

Le film Allemand souffre d’un montage qui l’allonge injustement, et pourtant il n’en est pas moins savoureux à regarder et admirer sous tous les points. Certains plans saisissants coupés en 2 montrent le monde dans lequel Ines se trouve: la luxure de sa vie, de son appartement, et la pauvreté roumaine des bidonvilles. Son clown de père est l’oxygène qui lui manque, autant que de films allemands manquent à ce festival ces dernières années. Le thème de la famille est toujours présent, mais une relation père/fille tournée comme ça, c’est fantastique.

BANDE ANNONCE: