Critique “Saint Georges” : film coup de poing sur la crise portugaise

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Signé du réalisateur Marco Martins, Saint Georges, ou Sao Jorge en portugais, est un film efficace et percutant sur la crise que traverse actuellement le pays. Découvrez la critique de la rédaction !

Saint+Georges
L’affiche officielle du film

Le synopsis est le suivant : Jorge est un boxeur fauché et sans emploi. Lorsque sa femme, de qui il est plus ou moins séparé, menace de rentrer au Brésil avec leur fils, il accepte un travail au sein d’une société de recouvrement. Du fait de la crise sévère, elles sont légion au Portugal. Il va peu à peu découvrir leurs méthodes plus que douteuses, qui frayent souvent avec la frontière de l’illégal…

Marco Martins signe ici son cinquième film avec brio. Que ce soit dans le ton, l’atmosphère ou le jeu des personnages, le film surfe sur une justesse et un équilibre quasimment jamais rompus.

Nuno Lopes, Mariana Nunes, David Semedo, Jose Raposo, Jean-Pierre Martins, Ricardo Fernandes, Beatriz Batarda et Gonçalo Waddington sont à l’affiche de cette œuvre percutante.

Jorge : un personnage victime de la crise qui devient bourreau

Le personnage de Jorge illustre parfaitement à lui-seul la complexité de la crise et ses conséquences sur les petites gens au Portugal. Il est en effet avant tout une victime de cette crise, et c’est cette même situation qui le contraint à tomber dans la violence. Car s’il est boxeur, il n’en est pas pour autant violent. L’extrémisme et la brutalité des méthodes de ces sociétés de recouvrement est à l’inverse des valeurs que ce sport dépeint. Ici, elle sont déloyales, injustes, malsaines. L’ironie veut que pour tenter de sortir de la spirale infernale de la crise, il le fasse en collaborant au système qui l’a mis KO. La mise en abîme du film est ici poussée à son paroxysme et vient ajouter du corps et de la matière à ce film déjà bien charpenté.

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Jorge et son fils Nelson. Crédits photo : DR

Saint Georges : un film fictionnel qui flirte avec le documentaire

Le réalisateur ne s’en cache pas. Pour décrire les conditions de misère que la crise au Portugal a créées et continue de créer, il trouvait judicieux le fait de recourir pour bon nombre de personnages à des acteurs non-professionnels. Si ce n’est pas le cas pour Nuno Lopes, qui interprète Jorge, ou bien Mariana Nunes (Susana, sa femme), beaucoup de personnages de second plan et de personnes aperçues dans le film jouent leurs propres histoires. Boxeurs, surendettés, parties de la population dévastées et ruinées par la crise, se retrouvent à l’écran. C’est ce qui apporte au film sa touche de réalisme qui fait mouche.

La narration peut s’apparenter à celle de certaines œuvres du néo-réalisme, à des polars de Jules Dassin, ou Sang et Or de Robert Rossen. L’approche documentaire, brute et réaliste de Saint Georges se ressent également dans son rythme irrégulier, très cadencé par moments et plus lent par d’autres. En suivant souvent caméra à l’épaule le protagoniste dans ses aventures, Marco Martins fait le choix de s’approcher des aspérités du réel.

Les nombreuses recherches sur cette période sombre de l’histoire moderne du Portugal que le réalisateur et les scénaristes (Marco Martins et Ricardo Adolfo) ont entrepris en amont, participent à la crédibilité et à la justesse du résultat.

En illustrant avec justesse cette crise que traverse bon nombre de Portugais, Marco Martins signe une œuvre engagée, révélatrice et dénonciatrice d’un système dévorateur et inhumain. Il ne peut que se faire l’écho de l’actualité et du quotidien que vivent des milliers de personnes de part et d’autre du monde. Saint Georges sera à retrouver dans les salles à partir du mercredi 17 mai. En attendant, JustFocus vous propose de découvrir la bande-annonce !