Critique « Jackie » de Pablo Larraín

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Présenté en avant-première mondiale au Festival de Venise de 2016, le biopic de la veuve de John Fitzgerald Kennedy devait être réalisé par Darren Aronofsky. Mais celui-ci décida de rester dans son rôle de producteur et suggéra de faire appel à Pablo Larraín, le cinéaste chilien dont le film Neruda est à l’affiche. Le rôle de Jaqueline « Jackie » Kennedy a été attribué à Natalie Portman, qui réussit à se fondre parfaitement dans le personnage de la First Lady et se voit nommée en tant que Meilleure Actrice au BAFTA.

Une réalisation simple mais poignante

Jackie est sous le choc : son mari a été assassiné sous ses yeux. Maintenant, sous le regard parasite des caméras et dans sa tenue rose Chanel légendaire, elle doit organiser un enterrement digne d’un Président des Etats-Unis. C’est sur les trois jours qui suivent le drame que se concentre le film. Tourné entre Paris, Washington et Baltimore, celui-ci propose une multiplicité temporelle et spatiale. L’interview avec le journaliste de « Life », Theodore H. White, que Jackie désire rencontrer peu après la mort de son mari est la base de la narration. Y sont mêlées les images de la White House Tour et la planification des funérailles.

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Le réalisateur n’hésite pas à entrecroiser des enregistrements d’archives et des reconstitutions, si bien qu’on ne fait plus la différence entre Natalie Portman et la réelle First Lady. Le choix d’une copie exacte de la White House Tour s’imposait pour montrer une Mme Kennedy avant l’assassinat : consciente et en contrôle de son image. Pour plus d’authenticité, Larraín tourne avec un 16 mm, qui fait mieux ressortir les grains, et prétend qu’un tiers des images serait des premières prises.

Une tragédie intime

L’incroyable musique signée Mica Levi (qui a aussi composé pour Under the Skin de Jonathan Glazer) accompagne fidèlement les décisions difficiles de Jackie. Les plans sont à l’opposé de cette fidélité : ils sont plus objectifs, posés, avec une esthétique brute. C’est ce choix qui provoque une certaine gêne du spectateur qui fouille dans l’intimité de « la veuve la plus célèbre depuis Andromaque. »

Le rythme imposé par la succession rapides des scènes donne l’impression d’une course sans fin pour des obsèques copiées sur celle du Président Lincoln, non-conseillées par les autorités. Le film peut alors paraître un peu long, mais ceci traduit bien l’étendu de la souffrance endurée par la famille Kennedy.

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Avec 2 prix et 7 nominations, Jackie présente bien plus qu’un biopic en dépassant la grande Histoire connue de tous. Natalie Portman nous livre un portrait d’une femme forte mais souffrante, qui comprend la force des caméras : derrière ses sourires forcés, ses yeux vitrés et ses innombrables, cigarettes on sent la détermination qu’elle porte pour que la mémoire de son mari soit aussi noble et romancée que celle du roi Arthur. Avec la course aux Oscars déjà lancée, le premier film en anglais de Pablo Larraín pourrait lui ouvrir les portes d’Hollywood.

Au cinéma le 1er février 2017.