Critique DVD « Baccalauréat » de Christian Mungiu

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Honoré du Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes 2016, Baccalauréat est la dernière œuvre de Christian Mungiu, célèbre cinéaste roumain. Relatant la chute d’un brillant médecin dans ce pays d’Europe de l’Est, le long métrage tente de dresser un portait d’une Roumanie déliquescente. Un pari à moitié réussi, tant le long métrage alterne les séquences idéologiquement puissantes, que des phases d’ennuis presque mortelles.

Reçu mention « Assez bien »

Après la Palme d’Or obtenu en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours (long métrage traitant de la question délicate de l’avortement en Roumanie) et sa participation au jury en 2013, le Transylvanien Christian Mungiu est devenu un habitué de Cannes. Baccalauréat est sa cinquième production, avec pour seul et majeur point commun, la critique du système politico-démocratique roumain. Roméo est un médecin brillant mais un mari défaillant. Lui et sa femme Magda vivent sous le même toit et dans une ambiance glaciale, avec leur fille Eliza. Cette dernière a reçu une bourse d’étude pour une prestigieuse université d’Angleterre, il ne lui reste plus qu’à obtenir son bac pour la valider. Mais la veille de son examen, la jeune femme est agressée sexuellement. Ayant placé beaucoup d’espoir sur elle, son père va tout faire pour que sa progéniture obtienne le précieux sésame, jusqu’à flirter avec l’illégalité.

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Monté en de longs et nombreux plans séquences, Baccalauréat est un film difficile, aussi bien sur son fond que sur sa forme. Si le premier est plutôt pertinent et marquant, son second n’inspire qu’ennui et froideur. A la suite de son métrage choc sur l’avortement, Mungiu s’attelle de nouveau à la critique sociétale. Ce sont cette fois les institutions qui sont remises en question et la faiblesse de notre humanité, toujours prête à dépasser la ligne rouge. Roméo, par amour et culpabilité envers sa fille, s’arrangera avec des corrompus, des véreux, des immoraux pour sauver l’avenir de son enfant. Un pas à franchir, difficilement et avec de lourdes conséquences, parfaitement retranscrit dans le métrage. Tel un Scarface au pays des vertueux, Baccalauréat montre la chute morale et humaine d’un père, affaiblie par la culpabilité et le remord. Une sensation pesante s’installe alors, nous renvoyant au miroir de notre personnalité : oserions-nous franchir un tel cap par amour filial ? Christian Mungiu dépeint la Roumanie comme un système ayant échoué dans ses fondations. Tout y apparaît alors comme faillible et inégalitaire, où des privilégiés possèdent des pouvoirs, quand d’autres subissent les travers des puissants.

Toutefois, cette sensation lourde et au frontière du malaise social est symbolisée d’étrange manière dans la mise en scène. Le cinéaste décide de ne rien couper des situations présentes, préférant montrer frontalement le cœur du problème. Avec ses plans séquences, parfois fixes, parfois tournés à l’épaule, Baccalauréat paraît aussi terne et froid que la société roumaine qu’il décrit. De facto, cela créé deux mauvais éléments, empêchant le long métrage d’être « agréable » à visionner. Premièrement, le manque de diversité des plans, avec cette réalisation antispectaculaire, paraît suffisant par rapport au traitement du sujet. La forme semble déficiente par rapport au fond, d’où l’impression constante de suivre un rapport engagé plus qu’une œuvre visuelle et ce, malgré des acteurs parfaits. Enfin, la longueur des plans atteste d’un rythme d’une mollesse constante. Faisons bref, le long métrage est lent, très lent, trop lent et enfonce son spectateur dans un ennui mortel, les quelques rebondissements à l’intrigue n’arrivant pas à marquer assez pour ramener le spectateur vers la bobine. Ce prix de la mise en scène, semblant plus lié à son sujet qu’à la mise en scène pure, paraît alors un peu usurpé, surtout lorsque l’on retrouve The Néon Demon de Nicolas Winding Refn, dans la même compétition. Baccalauréat reste un long métrage très juste et d’une maîtrise thématique louable. Malgré tout, il paraît trop mou dans sa forme pour réellement s’imposer comme le pamphlet sociétal qu’il ambitionne d’être.

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Une édition DVD décevante

Outre une image plutôt terne qui sied malheureusement à la mise en scène lente de Mungiu, l’édition DVD de Baccalauréat déçoit par la faible quantité (et qualité) des bonus proposés. Seuls deux éléments s’ajoutent au long métrage : huit minutes de scènes coupées et un entretien de Michel Ciment, directeur de la revue Positif, avec Christian Mungiu le réalisateur. Les scènes additionnelles n’ajoutent pas grand-chose, que ce soit à la compréhension du métrage ou à la variation de la mise en scène. En moins ou en plus, ces séquences ne permettent que de confirmer l’ennui perpétuel ressenti durant le long métrage, une lassitude de deux heures qui pourrait toutefois, n’être que le sentiment de l’auteur de ces lignes. L’échange entre Michel Ciment et le cinéaste gagne en curiosité mais pas franchement en intérêt. Quelques notes d’intentions sont prononcées par Mungiu, les questions du chef de la célèbre revue cinéma n’aidant pas à étayer les propos du metteur en scène confirmé. Au final, du côté de la technique, seul le sonore paraît à la hauteur des qualités du long métrage. L’éditeur LE PACTE propose la version roumaine originale et une version française de bonne qualité dans le jeu des comédiens, ne faisant pas décroître la qualité du film. Au final, on louera d’autant plus les qualités thématiques et donc, de facto, scénaristiques du long métrage plutôt que sa technique, assez décevante pour les moments de grâce de cette production.

Bande-annonce « Baccalauréat »