Critique « Détroit » de Kathryn Bigelow : plongée dans l’enfer du racisme

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Sorti mercredi dernier, Détroit est réalisé par Kathryn Bigelow (Point Break, Démineurs). Son nouveau film est une œuvre engagée traitant de la vague d’émeutes survenue durant l’été 1967. A cette époque, la guerre du Vietnam (vécue comme une intervention néocoloniale) et la ségrégation raciale nourrissent la contestation.

Une approche tripartie 

Kathryn Bigelow aborde son œuvre avec énormément d’intelligence. Détroit est découpé en trois parties distinctes : une introduction informative d’une vingtaine de minutes, un huis clos poignant et sanglant qui représente la grande partie du film, et les conséquences de celui-ci. La cinéaste, via un générique en animation et à l’aide d’images d’archives, présente le contexte de vie en 1967. Les vétérans sont de retour de la guerre du Vietnam. La ségrégation, qui devrait être terminée depuis 1964, fait toujours rage. Dans ce contexte, la minorité afro-américaine commence à se rebeller face à la police de Détroit qui disjoncte complètement. Les personnages principaux sont rapidement introduits : John Boyega est un chef de sécurité, Will Poulter est un policier raciste et violent, Algee Smith est Larry, le chef du groupe The Dramatics et Anthony Mackie est un vétéran du Vietnam. Leur point commun ? Chaque personnage se retrouve dans un même motel où la violence va se déchaîner.

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La mise en scène précise et réaliste place le spectateur au plus près de l’action. On assiste ainsi à un passage à tabac de près d’une heure et demie. La troisième partie mettra en scène les conséquences de toutes les horreurs commises. On y voit ainsi des ripoux passant devant le juge, des victimes pleurant les leurs et de jeunes Afro-américains perdant foi en leur patrie.

« Black Power »

Kathryn Bigelow parvient, le temps d’un huis clos, à résumer un contexte social complexe et injuste par le biais d’une histoire vraie. Au travers de ces meurtres, inscrits dans une lignée d’autres, la cinéaste met en avant le thème des discriminations raciales. Une police intouchable et une justice corrompue sont décrites avec énormément de précision. Détroit est une œuvre poignante, qui confronte politique, humanisme, racisme et violence. Plutôt que d’entrer dans les carcans habituels des biopics ou des films historiques, qui généralement tentent de tout inscrire dans leur histoire, Détroit fait le pari d’être très pointu. Kathryn Bigelow ne se perd pas en cours de route et signe un film concis, fortement évocateur et poignant.

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La réalisatrice ne laisse donc rien au hasard. Le casting est de haute volée. John Boyega, révélé dans Attack the block, quitte enfin le paysage des blockbusters pour s’engouffrer dans un film politique âcre. Anthony Mackie offre une prestation musclée dans la lignée de Triple 9. Quant à Will Poulter (The Revenant, La Famille Miller), il parvient à être totalement détestable dans son uniforme de policier.

Détroit est un film profondément humaniste, qui rappelle comment les Noirs ont été traités par leurs pairs blancs. Quelque part entre Menace 2 Society dans la violence et Do the Right Thing dans le sujet, Détroit est une claque à ne pas rater.