Critique Sing Street : Du rock et du chewing-gum

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Premier clip pour ados qui se cherchent

Comédie romantique doublée d’une plongée musicale dans l’Irlande des années 80, Sing Street le nouveau film de John Carney, raconte les débuts d’un groupe de rock et les premiers émois amoureux de son chanteur. Entraînant, parfois. Irritant, souvent.

Le principal “mérite” de Sing Street  est d’éveiller les douloureux souvenirs du lycée. Le film nous rappelle pourquoi nous détestions tant les rockeurs en herbe, les jeunes romantiques à queues de cheval et pantalons larges qui grattaient sur leurs guitares quelques accords de Saez ou Noir Des’, assis dans la cour et entourés des plus belles filles de la classe. Ces mêmes filles dont vous étiez amoureux mais pour qui la maîtrise du baby foot avait nettement moins de sex-appeal qu’un air égratigné de “jeune et con”. Alors qu’il arrive sur les écrans français en arborant fièrement sa poignée de prix gagnés dans plusieurs festivals britanniques, Sing Street réveille pendant plus d’une heure trente ces petites crispations que l’on n’assume pas trop.

Jeune et con

Alors qu’ils s’entredéchirent, les parents de Cosmo décident de l’envoyer dans une école catholique à l’éducation stricte où les sanctions corporelles sont courantes. Bien-sûr, il y est malheureux et se fait maltraiter par des délinquants aux allures de skinhead tous droit sortis de This is England. Mais, le parallèle s’arrête là. Car les tensions nationalistes et la crise identitaire et religieuse du pays intéressent moins Carney, le sujet est juste survolé, que la crise prépubère du jeune héros. Ado tête à claques, Cosmo (joué Ferdia Walsh-Peelo, un véritable chanteur), veut faire comme tous les ados de l’époque, quitter le pays et le chômage dévorant de l’époque pour gagner l’Angleterre. Mais la rencontre avec une jeune rebelle lui ouvre un autre destin, monter un groupe pour l’impressionner. C’est à ce moment que le film bascule dans la plongée rétrospective et nostalgique de la scène dublinoise. Tous les styles sont abordés au rythme de l’initiation du jeune Cosmo à la musique par son frère (sorte de fils caché entre Kurt Cobain et Francis Lalanne).

Premier clip pour ados qui se cherchent
Des ados qui se cherchent

Good Vibes

Les débuts du groupe sont bien-sûr chaotiques. Mais le film est le plus convaincant dans les maladresses de musiciens débutants qui cherchent leurs style musicaux et vestimentaires. Le jeune groupe devient alors un genre de cosplay des groupes qui ont marqué l’adolescence de Corney, de Duran Duran à The Cure. L’hommage est sincère et plein de bonnes intentions et bonnes vibrations (de bonnes “vibes” pour faire référence aux Beach Boys). Mais la fâcheuse tendance de Cosmo à se prendre au sérieux et une intrigue des plus mièvres laissent un désagréable goût de chewing-gum tout rose en bouche. Contrairement à l’esprit des groupes mentionnés, l’esprit de rebellion de Cosmo et de ses camarades est mielleux, inoffensif et, attention au mot qui arrive, mignon. Alors que la première partie fait penser à un Billy Elliot du rock, le film berce dans un angélisme et un optimisme premier degré qui fait davantage référence aux boys band et aux comédies musicales d’outre atlantique façon High School Musical. Nous prenons alors autant de plaisir qu’en subissant une lobotomie. Surtout que le film oublie rapidement qu’autour de Cosmo, petite boule d’égocentrisme, il y a d’autres personnages, caricaturaux mais sans doute plus intéressants à exploiter.

Sing Street accomplit certainement son rôle de fontaine de Jouvence pour les nostalgiques des années 80, mais l’intrigue balaie rapidement tous les sujets qui pouvaient être intéressants pour se focaliser sur les malheurs de Cosmo : parents qui divorcent, amour maudit et look incompris de tous. Au final, les déchaînements de tendresse et les vagues de bons sentiments sont largement plus violents (et moins agréables) que tous les riffs de Motorhead

Sing Street de John Carney, avec Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Aidan Gillen…1h46

https://www.youtube.com/watch?v=C_YqJ_aimkM