Critique « Hibou » de Ramzy Bedia

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Pour sa première fois seul aux commandes, Ramzy filme avec maladresse les questionnements existentiels d’un homme qui veut juste être vu et entame une relation fusionnelle avec un hibou.

La critique est facile, avons nous l’habitude d’entendre. Pourtant, un film comme Hibou contredit radicalement cette vue de l’esprit. Non pas que le premier long métrage solo de Ramzy Bedia (devant et derrière la caméra) soit d’une désarmante complexité. Non pas qu’il soit voué aux débats les plus vifs et aux avis les plus opposés. Rien de tout ça, la difficulté est plutôt que nous n’avons vraiment pas envie de dire du mal de Hibou, petit film plein de bonnes intentions. Non, vraiment pas envie. Un peu comme l’idée de balancer des seaux de vomi sur un album des Petits enfants à la croix de bois, personne n’aime le faire, mais c’est parfois nécessaire.

Le Hibou qui ne tenait pas ses promesses

Sur le papier, Hibou est une belle promesse. Celle d’un film lorgnant du côté de l’autofiction qui raconte l’histoire d’un homme (Rocky) que personne ne voit, insignifiant aux yeux de tous. Mais un jour, un présage va changer sa vie, un hibou grand duc rentre dans son salon et lui donne l’idée de se déguiser en l’animal pour enfin être vu. Et tant pis si il ressemble à un Woolies, l’un de ces étranges fétichistes de la laine (la culture de votre chroniqueur n’a pas de limites).  La parabole est claire, et plutôt bien vue, avec son auteur qui a lui-même mis un costume, de trublion, pour se faire remarquer.

Malgré quelques lourdeurs et maladresses, la première partie est plutôt plaisante. Ramzy pose les bases du récit dans un (beau) décor canadien où se déploie un imaginaire qui fait penser aux films de Jeunet, en (beaucoup) moins bien. Mais ensuite l’histoire s’empêtre dans des intrigues secondaires qui ne mènent nul part tandis que le récit principal reste au point mort, servant et resservant le même gag (façon Le grand blond) à l’infini. Certains passages, comme le dernier plan interminable où la présence lunaire de Guy Marchand à l’écran, finissent de transformer nos quelques sourires timides en sourires gênés.

Hibou image

Fable bipolaire

Le sens de l’absurde propre à l’auteur ne suffit pas. Le tout est englué dans une bouillie de scènes mièvres à la morale de pacotille. Le tout saupoudré d’acteurs en roues libres qui ne semblent pas savoir comment se comporter devant la caméra, y compris Philippe Katerine, sous-exploité et caricaturé à l’extrême. C’est d’ailleurs le problème majeur du film, il sombre dans la caricature la plus grossière, mention spéciale à la représentation de la vie en entreprise avec ses business women mangeuses d’hommes. Et voir Ramzy cabotiner et s’agiter pour essayer de sauver le film n’y fait rien. Même son personnage se perd en cours de route et change subitement de personnalité, d’un type plutôt sympathique il devient  un « grand nigaud » à la limite du supportable qui donne envie de trucider des pandas.

L’irritation est présente, sensible, surtout lorsque le récit semble vouloir paraître plus intelligent qu’il ne l’est avec un twist final raté et inutile. Répéter en boucle le même gag (pendant un bon tiers du film) c’est énervant, mais prendre la main du spectateur pour finalement le lâcher dans un ravin, c’est carrément vexant. La critique est peut-être plus dure que facile. C’est dommage, tant le film présente un enthousiasme réel qui aurait pu être contagieux mais ne parvient jamais à atteindre la légèreté et la poésie propres à une fable. Il manque l’audace, l’écriture, le rythme…bref il manque à l’idée de base un vrai film. Ramzy lui même nous l’avait confié, Hibou est radicalement différent des comédies du duo qu’il forme avec Eric (on confirme) et surtout, son principal mérite est « de ne pas être long » (on confirme aussi).