Critique : Dalton Trumbo de Jay Roach

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Un biopic trop classique sur le scénariste paria d’Hollywood, avec un Bryan Cranston en forme.

Porter à l’écran la vie d’un homme de cinéma, bonne ou mauvaise idée ? Si un biopic semble évident, ce n’est pourtant pas si facile : comment le cinéma peut-il se regarder avec distance et avec justesse ? C’est ainsi, en premier lieu, ce qui est reproché à ce Dalton Trumbo, un peu trop sage. Pour rappel, l’homme en question était l’un des scénaristes les plus en vue d’Hollywood pendant les années 40. Mais la Guerre Froide et la paranoïa anti-communiste poussent les studios à mettre au point une liste noire, refusant tout emploi aux personnes citées sur ce document. On pouvait y lire les noms de Joseph Losey et de Charlie Chaplin. Quant à Trumbo, il était en plus l’un des Dix d’Hollywood, ces dix personnalités qui ont été condamnés pour avoir refusé de répondre aux questions du Congrès. Ainsi rejeté, il fait son grand retour en écrivant en 1960 en étant crédité aux scripts d’Exodus d’Otto Preminger et de Spartacus de Stanley Kubrick, produit par et avec Kirk Douglas.

Back in the 50’s

Pour quiconque se dit aimer le cinéma, Dalton Trumbo est une histoire vraiment passionnante. On y découvre les coulisses de la production, mais aussi une description de l’Hollywood d’après-guerre, avec enfin un portrait d’un scénariste de talent, doublement oscarisé. Bryan Cranston (Breaking Bad, Godzilla) dans le rôle principal est vraiment excellent, et méritait sa nomination à l’Oscar 2016 du meilleur acteur, c’est certain. Le reste du casting est également convaincant, à commencer par une Helen Mirren (Hitchcock, Red) tout à fait détestable (et c’est voulu) dans le rôle de l’injuste Hedda Hopper, qui s’acharne à ce que Trumbo ne travaille plus jamais. Diane Lane (Batman v Superman) et Elle Fanning (Maléfique, The Neon Demon) en épouse et fille sont bien choisies. Il y a également le surprenant humoriste Louis C.K. (Blue Jasmine) qui incarne un personnage inventé de toute pièces, melting-pot des autres membres des Dix. Mais ce qui marque le spectateur le plus, c’est lorsqu’il retrouve à l’écran des imitations de têtes qu’il connaît. Ainsi se suivent John Wayne, Kirk Douglas et Edward G. Robinson dans de vrais rôles, pas de simples caméos. Certains diront qu’ils ne leurs ressemblent pas, que l’on n’y croie pas, et effectivement, aucun cinéphile éclairé ne s’y tromperait. Pourtant, il y a matière à être surpris chez ces mêmes connaisseurs qui retrouvent chez David James Elliott (qu’on a pu apercevoir dans diverses séries telles que Mad Men) les mimiques et un certain phrasé du Duke. Le film pousse même le vice en effectuant un champ/contre-champ de Kirk Douglas sur l’écran (le vrai, dans Spartacus) et de Dean O’Gorman (Fili dans The Hobbit)  devant l’extrait.

Taillé pour les Oscars

Jamais Trumbo ne brille par son scénario, ce qui est plutôt cocasse. Ecrit par James McNamara, qui vient du monde des séries, le film est d’une certaine manière trop égale en matière d’intensité des scènes. Bien vite, on comprend que tout le monde à Hollywood se tire dans les pattes, et encore plus dans celles de Trumbo. Le personnage n’est pas vraiment attachant ni détestable. Il est tout simplement, même si on peut apprécier encore une fois ses phrases et son esprit. La mise en scène de Jay Roach (à qui l’on doit Austin Powers 1, 2, et 3…) n’est pas vraiment remarquable. En tout cas, le film entier souffre de son classicisme, basé sur la figure du génie tourmenté comme on en voit tant (le premier exemple qui me vient est Cloclo). Mais derrière ce prétexte, faire le portrait d’un scénariste, il y a également autre but, celui de parler de l’après-guerre et des injustices qui ont subis à cette époque-là, à travers le prisme d’Hollywood et d’un seul homme. C’est vrai, mais c’est un petit peu léger. Les méchants américains sont méchants, et Trumbo se bat contre eux, point. Faire un film manichéen sur une situation trop manichéenne de l’époque, ce n’est pas forcément une bonne idée.

Dalton Trumbo brille par ses acteurs avant tout. Plaisant mais sans plus, on regrette que ce film sur le cinéma ne lui rende pas hommage d’une plus belle manière.

 

Alexandre Léaud