Critique « Aucun homme ni dieu » (Netflix) : la vengeance se déguste glaciale

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L’homme est un loup pour l’homme ; Hold The Dark (Aucun homme ni dieu en version française) est peut-être la plus fidèle adaptation de cette simple phrase. Le dernier film de Jeremy Saulnier, produit par Netflix, se déroule dans le grand froid et a pour maître mot la vengeance : entre la neige maculée de sang et les silences pesants se joue un scénario qui ne va malheureusement pas bien loin, et qui nous laisse sur le bas-côté. 

Dans le grand froid de l’Alaska, le spécialiste des loups Russell Core (Jeffrey Wright) sait y faire ; alors quand une habitante d’un petit village de la région, Medora, lui demande de retrouver son fils disparu emmené par les loups, Russell enfile ses bottes et sort affronter le désert glacial. Humanisme ou égoïsme d’un père frustré, les motivations de ce geste resteront flou pendant longtemps ; ce qui est sûr, c’est qu’il trouve en Medora Sloane (Riley Keough, la femme mystérieuse du récent Under the Silver Lake) une compagnie d’infortune, et une proximité d’esprit qui en devient presque magnétique. Hold The Dark se constitue d’un savant mélange entre une humanité froide et une férocité bouillante.

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Sous ce vernis blanc si soyeux et calme se cache une métaphore bien violente, mais sans grande originalité : le rapprochement entre l’homme et le loup se suit tout le long de cette épopée glaciale, aussi bien dans les images que dans les mots (et les silences). Pourtant, derrière le lieu commun, on trouve une somptueuse mise en scène, froide et audacieuse, qui permet à Hold the Dark de se démarquer sans aucun doute des autres productions Netflix. Les lumières de Jeremy Saulnier se plongent dans les recoins les plus sombres des personnages, pour trouver la faille qui fait toute leur humanité. Cette humanité s’apparente bien souvent paradoxalement à une violence innée et inouïe, révélatrice des caractères bestiaux. On peut penser par exemple à cette remarquable scène de fusillade, étirée dans le temps et étonnamment longue, qui prend le rôle de la crise au paroxysme du film : la cruauté s’accentue, le flingue à la main, mais la bienveillance se dégage également bien que péniblement, dans une frénésie furieuse qui aspire et recrache les sentiments un à un.

Mais le grand défaut de Hold the Dark est pourtant bien lié à cette scène : paroxysme du film, elle en devient vite pratiquement une scène finale tant sa portée se ressent jusqu’à la fin. La vengeance se refroidit, et le but de Russell s’obscurcit toujours plus, alors que pourtant il est un personnage clé de cette histoire. Entre culpabilité paternelle et spectateur passif de cette violence destructrice, le parcours de ce héros est finalement assez immémorable ; une faiblesse qui empêche malheureusement toute identification, et nous détache malgré nous d’une intrigue pourtant attrayante.

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Si la réalisation est pratiquement irréprochable, et que les acteurs donnent une âme séduisante au dernier film de Jeremy Saulnier, Hold the Dark peine à développer un véritable propos narratif hors des clichés, et ne nous transporte pas suffisamment dans le grand nord de la vengeance animale. Une réussite en demi-teinte, qui se place tout de même comme l’une des meilleures productions Netflix de cette année. 

 

Bande-annonce Hold the Dark (Aucun homme ni dieu) de Jeremy Saulnier :