Critique « Cigarettes et Chocolat Chaud » de Sophie Reine : une comédie familiale pétillante

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Janine et Mercredi Patar vivent dans un joyeux bordel commandé par Denis, papa paumé mais rempli d’amour pour ses deux petites filles. La rigolade du quotidien éclairé par de vraies lucioles est interrompue par les enquêteurs sociaux qui forcent Denis à suivre un « stage de parentalité » sous peine de se faire enlever la garde de ses enfants. Cigarettes et Chocolat Chaud est un film français comme il y en a peu, rempli de rires et de tendresse, qui ne tombe pas dans l’excès.

 

De l’originalité dans le banal

Des films sur une famille déjantée qui est menacée par un système autoritaire, il y en a beaucoup. Toujours la même histoire : la famille est touchée par un drame qui bouscule le quotidien et met en alerte les services sociaux qui, pour le bien des enfants, voudront séparer ladite famille. Ici, Denis Patar élève tant bien que mal ses deux filles après la mort de sa femme. Il a deux boulots (dont un dans un sex shop), oublie le chèque pour la cantine, décolore les poils du cochon d’inde Ziggy, coiffe ses filles avec un aspirateur et leur cuisine des pâtes en forme de pénis. Gustave Kervern n’a jamais été aussi maladroit et attendrissant. Il est simple dans sa justesse : c’est un père exténué qui a ses hauts et ses bas, se met en colère et a ses défauts (la cigarette électronique et les sucreries).

Au début, nous pensons être devant une énième comédie : tout est fait pour être drôle malgré la multitude les catastrophes qui touchent la famille (mort, maladie, manque d’argent, les services sociaux …). En plus, évidemment, les deux filles sont entièrement dans l’originalité. La plus petite, Mercredi (Fanny Zanini), cache son deuil dans le catch et un surplus d’imagination. Janine (Héloïse Dugas), l’aînée, souffre du Syndrome de Gilles de la Tourette, rarement traité au cinéma d’ailleurs, qui est une « parabole pour la différence » selon la réalisatrice Sophie Reine. Pour aider leur papa dans son « stage » et prouver que leur famille est soudée, elles inventeront entre autres un spectacle de la famille Patar(y) pour lequel elles achèteront une chèvre et voudront cracher du feu.  Mais Denis veut protéger ses gamines de la brutalité du monde « où les mamans et les cochons d’inde meurent sans prévenir » et veut tout faire lui-même en empirant, malgré lui, la situation.

Copyright 2015 Mandarin Cinema / Alexis COTTIN

 

De l’anticonformisme jusque dans la réalisation

C’est une première dans la réalisation pour la monteuse Sophie Reine. Et comme tout premier film,  une touche d’autobiographie s’impose. Elle a perdu sa mère jeune et a été élevée – avec sa sœur et son frère – par son père dans un appartement parisien avec pour compagnie un singe et une chèvre. On comprend tout de suite mieux l’excentricité des personnages ! Son expérience de monteuse longue de plus d’une dizaine d’années lui a permis de voir beaucoup de styles, et de s’en inspirer. On applaudit l’utilisation d’animations pour renvoyer aux rêves et aux flashbacks. Ceci donne une bouffée de fraîcheur au scénario et concorde à merveille avec le style de ce feel good movie.

Le contre-pied du père imparfait est l’assistante sociale Séverine Grellot. Camille Cottin sort de son rôle de Connasse pour incarner cette travailleuse sociale professionnelle et coincée. On regrette un peu ce personnage cliché. Elle est seule, sans enfants ni vie familiale. L’histoire d’amour entre les deux adultes n’a peut-être pas sa place dans ce film familial. Mais sa décision finale mériterait un badge de bonne conduite.

Entre Little Miss Sunshine et Captain Fantastic français, Sophie Reine traite des sujets graves en dehors des conventions et avec naïveté. On pardonne la prévisibilité de la guerre entre la famille marginale et un système qui manque d’humanité. On savoure les couleurs, l’onirisme et la déclaration d’amour à David Bowie.

 

Bande-annonce de Cigarettes et Chocolat Chaud