Ce mercredi, 3 Billboards débarque enfin en salles avec son casting quatre étoiles : Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell, Peter Dinklage, Caleb Landry Jones… Le superbe film de Martin McDonagh (Bons Baisers de Bruges, Les 7 Psychopathes) a été récompensé de 4 Golden Globes (Meilleur film, Meilleur actrice pour Frances McDormand, Meilleur scénario et Meilleur second rôle pour Sam Rockwell). 3 Billboards – Les Panneaux de la Vengeance est un film sans concession, qui a des tripes et des choses à raconter.
Des personnages renversants pour un casting parfait
La grande force de 3 Billboards, ce sont ses personnages. Martin McDonagh écrit une écurie de personnages remarquables, dont les enjeux sont passionnants, à l’empathie forte grâce à leur réalisme saisissant. Le cinéaste n’a pas écrit des figures caricaturales. Il a dépeint le quotidien de personnages très humains, très réalistes, ni tout blancs, ni tout noirs. Le manichéisme est proscrit et les protagonistes n’en sont plus que passionnants. Il n’y a ni gentils, ni méchants dans cette histoire. Simplement des gens normaux, aux défauts démesurés, aux qualités humanistes, qui essayent de survivre dans une société qui se rapproche de la jungle. Ils font de leur mieux, d’abord pour eux, ensuite, s’ils le peuvent, pour leur société. Des âmes en perdition qui cherchent leur place malgré une violence omniprésente.
Mildred Hayes (Frances McDormand), le chef de la police Bill Willoughby (Woody Harrelson) et Jason Dixon (Sam Rockwell) forment un trio grandiose. Les rapports de force et les enjeux qui les entourent sont passionnants. Hayes cherche à venger sa fille et est prête à tout pour éviter que la poussière ne soit glissée sous le tapis concernant le meurtre de son enfant. Willoughby est un chef de police fatigué, un homme bon mais dépassé par les événements, offert en pâture au monde par Hayes en quête de vengeance. Enfin, Dixon est le plus ambigu, un jeune policier incompétent, qui profite de sa situation mais va évoluer et devenir meilleur après avoir frôlé la mort.
Ce sont les acteurs qui peaufinent ces personnages, leur donnent une identité avec des prestations précises. Les interprètes parviennent à toucher toute l’ambiguïté de leurs rôles, offrant des jeux qui évoluent constamment. Frances McDormand est mémorable dans la peau de cette mère forte et n’avait pas retrouvé un rôle de cette mesure depuis Fargo des frères Coen. Sam Rockwell n’a pas volé son Golden Globe non plus, tant il oscille entre un charisme musclé et une fragilité empathique. Tous les personnages de Martin McDonagh sont ambigus, passionnants, victimes de la société et surtout à l’agonie. C’est cette sensation permanente qui donne toute l’identité au film, toute sa rage, sa rancœur et son absence de concession.
Un film sans concession qui mélange les genres
Outre sa précision technique remarquable : photographie superbe, direction artistique sans faille, bande originale touchante, ce sont les risques que prend Martin McDonagh qui forgent l’âme de 3 Billboards. Le réalisateur ne fait jamais dans la demi-mesure. Il va au bout de son projet et de sa vision, avec un montage final très radical. Le cinéaste a pris le temps suffisant pour exploiter ses protagonistes et conclure les enjeux de l’histoire. Les dialogues sont incisifs, parfaitement rythmés et d’une grande intelligence, grâce à une vogue révolutionnaire et réaliste dans la lignée de Captain Fantastic ou Le Château de Verre. La vision de la société du personnage de Frances McDormand est très fataliste, permettant à l’actrice de parfaire une rudesse représentative du film. Les rebondissements sont prenants, inattendus et tiennent en haleine le spectateur sans une once de longueur jusqu’à son final ironique et léger, comme si les personnages s’étaient débarrassés, au moins un temps, de leurs démons.
3 Billboards n’hésite pas à mélanger les genres. Entre cet environnement chaud du Missouri qui rappelle parfois une ambiance western, cette intrigue policière digne des grands polars et les enjeux sociaux de ses personnages, le film n’oublie pas d’être drôle, encore une fois grâce à ses personnages. Entre quelques répliques bien sentis et des caractères forts, l’histoire à droit à ses pauses comiques. 3 Billboards est un film drôle, ironique, incisif, sur la police, sur le fonctionnement de notre société et sur le destin fort de personnages hauts en couleurs. Une force augmentée par des acteurs qui jamais ne surjouent, mais réalisent des performances criantes de vérité grâce à leurs gestes, leurs regards et leurs silences.
Finalement, la réussite de 3 Billboards – Les Panneaux de la Vengeance réside dans un équilibre précis entre l’attendu et l’inattendu, entre la violence et la sensibilité, entre légèreté et brutalité. Martin McDonagh a réalisé une œuvre totalement aboutie, qui n’a pas volé ses récompenses.