Critique Un gentil orc sauvage de Théo Grosjean, l’heroic fantasy politique

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Chez JustFocus, nous avons une tendresse particulière pour la collection Shampoing de Delcourt. Après nos chroniques de Davy ou du Guide du mauvais père, voici venu le temps d’ Un gentil orc sauvage.

De la fantasy avec un nez rouge

Oscar, un orc civilisé va chercher du bois en chantant une comptine connue de nous mais ici transformée – « il était un petit orc qui n’avait ja-ja-jamais égorgé… ». Il est surpris par une meute d’orcs sauvages qui massacre tous les autres habitants de son village. Les Orcs modernes se croyaient à tort libérés de la menace de ces primitifs venus du Nord. Notre valeureux héros choisit alors la fuite et part à la recherche de sa mère.  On trouve en début de volume une carte de ce pays imaginaire comme dans tout ouvrage de fantasy. Game of thrones ? Le Seigneur des anneaux ? Loin de là car même si on est bien dans un récit d’aventure, les absurdes rebondissements et les dialogues très drôles apportent un ton totalement différent – « Oh vous savez chef. Quelques trous cela n’a jamais tué personne ».

Un anti-héros trop civilisé

Un héros rejeté de tous

Le récit suit la structure d’un conte autour d’un héro exclu. Oscar a une mère évoluée et un père sauvage. Ce n’est pas un peureux de naissance mais par éducation. Il est en effet affligé d’une terrible maladie venue de son père. Il ne peut jamais s’énerver sinon son corps noircit et il est alors atteint de folie meurtrière. Cet orc est un anti-héros maladroit – en voulant éloigner un perroquet, il se donne lui-même un coup. Lors de son voyage initiatique, il se lie avec des animaux étranges – un perroquet et un chien-sauterelle – et rencontre par hasard la princesse d’Harelfort. Comme dans la dernière bd de Remender, une femme est plus forte que les hommes. La princesse est physiquement bien plus grande et forte qu’Oscar. Brutale et sans peur, elle ridiculise l’orc mâle car c’est elle qui assurera sa protection.

Voyage au pays des préjugés

Le récit n’est pas seulement drôle mais aussi subtilement engagé. Oscar et la princesse décident de fuir l’invasion barbare. Bloqués devant la muraille des Gobelins, ils demandent l’asile mais ce n’est pas si facile.  Ils doivent remplir un formulaire… comme tous les squelettes qui sont morts d’attendre la réponse. Théo Grosjean profite de ce conte humoristique pour dénoncer la xénophobie et l’inacceptable attitude des pays occidentaux devant la détresse des réfugiés. Oscar et sa compagne de voyage rencontrent également un passeur gobelin vénal et roublard qui profitent d’eux mais sauve aussi le groupe. Le pays des gobelins est une dénonciation du rejet de la différence – les orcs étrangers mais aussi une tenue trop fleurie pour un homme.

un road movie fantastique

Théo Grosjean scénarise mais aussi dessine l’ensemble en noir et blanc. Le dessin est très simple en ligne claire. Son trait épuré très efficace renforce le côté conte et permet de tout faire rendre crédible et burlesque.

Un gentil orc sauvage est un nouveau succès de la collection Shampoing de Delcourt. Derrière les situations amusantes, le lecteur se questionne sur le monde actuel. Ce premier ouvrage est une vraie découverte et une belle promesse.