L’éternel retour du grand Zorglub

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En premier lieu, on se dit : « Oh non ! Encore Zorglub ! » Et puis on lit La Fille du Z, et on adore. Un excellent album d’aventure humoristique qui fonctionne du début à la fin sur un rythme échevelé.

Zorglub, l’emblématique ennemi de Spirou

Zorglub fut créé dans SPIROU & FANTASIO par Franquin et Greg en 1959 pour être le méchant d’une paire d’albums qui, aujourd’hui encore, sert de référence en matière de bande-dessinée humoristique d’aventure teintée de SF. Malheureusement, au lieu de le laisser de côté à l’issue de Z comme Zorglub/L’Ombre du Z (1959-60), le personnage fut très vite dénaturé par Franquin lui-même dans le revanchard et scatologique Panade à Champignac (1968). Puis, se sentant obligé d’instaurer une certaine continuité après le départ de Franquin de la série, Fournier continua à utiliser le personnage dans l’insipide Faiseur d’or (1969). Il réapparaît ensuite, comme un cheveu tombé dans la soupe, dans le sympathique et pétillant Tora Torapa (1973) pour disparaître enfin… jusqu’à l’hommage futé de Tome & Janry dans Le Réveil du Z (1986).

Les choses auraient dû en rester là, mais entre 2007 et 2011, Zorglub va apparaître systématiquement dans toutes les versions de SPIROU, devenant aussi envahissant (et ridicule) par son suremploi que Olrik dans BLAKE & MORTIMER, et démontrant au passage un certain manque d’originalité et d’inspiration des différents auteurs. On le voit ainsi coup sur coup dans Les Marais du temps (de Le Gall), Aux sources du Z (de Morvan & Munuera), Alerte aux zorkons et La Face cachée du Z (de Yoann & Vehlmann). Quatre aventures particulièrement médiocres, voire pires.

Alors, lorsqu’il a été annoncé par Dupuis qu’une nouvelle série devait voir le jour en ayant Zorglub comme personnage principal, on avait de quoi se montrer sceptique, vue la manière dont il avait été utilisé jusqu’à saturation durant les dernières années. Et puis, il faut bien admettre que José Luis Munuera aux commandes de ladite série ne laissait pas espérer les meilleurs résultats, car le dessinateur s’était déjà illustré dans SPIROU & FANTASIO aux côtés de Jean-David Morvan durant la période la plus désastreuse de la série depuis Nic & Cauvin (Paris sous Seine, Spirou à Tokyo, Aux sources du Z). Bref, on n’attendait rien de ce premier album intitulé La Fille du Z.

La Fille du Z, une bonne surprise

Et pourtant ! La Fille du Z est excellent. Munuera, non seulement dessinateur, mais aussi scénariste, nous propose une aventure dynamique et réussie en tout point. Le postulat de départ qui consiste à ne jamais faire d’incursion dans l’univers de SPIROU & FANTASIO (pourvu que ça dure) est toujours respecté et permet à l’auteur de faire ce qu’il veut et de s’amuser, ce qui le laisse plus libre. Son graphisme, inspiré à la fois du cartoon et du manga, qui n’avait absolument pas sa place dans SPIROU & FANTASIO, est tout à fait acceptable ici et fonctionne d’ailleurs très bien pour une série indépendante et originale comme celle-ci, même si elle réutilise un personnage étant issu d’une série emblématique très codée. L’univers de ZORGLUB, à l’instar de celui du PETIT SPIROU par exemple, n’est pas celui de SPIROU & FANTASIO. Ce n’est pas le propos, et malheureusement beaucoup commettront l’erreur de vouloir considérer ZORGLUB comme un pâle spin-off de SPIROU & FANTASIO. Dommage pour eux.

Se basant sur les caractéristiques d’origine de Zorglub telles que définies par Franquin et Greg (à savoir un génie-mégalo-gaffeur), et en oubliant les dérives suivantes (Zorglub ami des gentils, alors qu’à la base, il est le méchant), Munuera peut broder autour et ne s’en prive pas, allant jusqu’à lui inventer une fille qui va tenter d’éveiller sa conscience au Bien. L’histoire est bien menée. Elle commence sur les chapeaux de roue et on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, d’autant plus que les dialogues sont également efficaces et réussis. Autour de ces deux personnages principaux, on découvre des seconds rôles de qualité (André, le copain de Zandra, et Fredorg, le « Jeeves-robot » du grand Zorglub). Le méchant de service est assez convenu mais remplit très bien sa fonction. Et puis, concernant le dessin, Munuera nous offre quelques cases de toute beauté, sans parler des deux magnifiques double-pages dans lesquelles Zorglub résume sa vie. On y trouve d’ailleurs le seul clin d’œil à SPIROU & FANTASIO dans une case avec les Zorglhommes. Si ceux-ci sont effectivement représentés, il n’est jamais fait allusion au contexte de Z comme Zorglub.

Lorsqu’on achève la lecture, on a la banane. Et on se dit qu’on aimerait bien en lire un autre comme ça, aussi dynamique et coloré.

Mission accomplie, m’sieur Munuera. Et vivement le prochain !