Les Miroirs du crime – première partie : un hommage à Melville

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« Les Tueurs de Pigalle » est le premier volet d’un diptyque publié chez Glénat dans lequel Noël Simsolo et Dominique Hé se délectent à recréer l’ambiance noire des films policiers des années 1950-60. Ambiance règlement de comptes et boîtes de nuit dans les quartiers chauds de la capitale au temps des débuts de la Guerre d’Algérie.

Noël Simsolo vient du cinéma, et à la lecture du premier tome des Miroirs du crime, on ne peut jamais en douter. Les références sont nombreuses et plaisantes, et la présence dans le récit de Jean-Pierre Melville est bien évidemment la plus évidente. Mais pas innocente non plus, et encore moins gratuite, puisque cette histoire est un hommage au cinéma du réalisateur de quelques fleurons du film noir français (cf. sa « trilogie noire » : Le Doulos, Le Deuxième Souffle et Le Cercle rouge).

Le film noir français à l’honneur

On retrouve ainsi dans l’album les thèmes chers au cinéaste dans le cadre froid et parfois clinique qu’il affectionnait particulièrement. En cela, le dessin de Dominique Hé réussit à retranscrire graphiquement les intentions de Simsolo inspirées des films en question ; sa mise en couleur également (notamment dans les passages à La Perle noire, la boîte de nuit du « héros »). On reste en revanche un peu sceptique devant le dessin des personnages dont les visages sont généralement assez laids (et les raccourcis des mains plutôt curieux) tandis que les décors léchés et le cadre en général sont très réussis. Cela procure une sensation de décalage un brin déstabilisante, mais qui finalement correspond plutôt pas mal au contexte de l’histoire. On notera aussi un manque de représentation du mouvement parfois frustrant.

Cette historie est de fait très classique dans son genre. Il s’agit d’une rivalité entre gangsters ; l’un – qu’on ne voit presque jamais – cherchant à s’accaparer les territoires de l’autre en faisant fi du « code d’honneur » chez les truands. Le tout saupoudré de trahisons et de règlements de comptes. La seule véritable originalité vient en fait d’un clochard énigmatique, citant Shakespeare dès qu’il en a l’occasion, qui tombe comme un chien dans un jeu de quilles entre les pieds du « gentil » gangster (celui qui – comme dans Le Parrain – ne veut pas se laisser tenter par le business de la drogue).

On ne peut encore, à ce stade, se prononcer réellement sur la qualité générale des Miroirs du crime, car pour cela il faudra attendre la parution du second tome (le 30 août prochain) pour en connaître le dénouement, et ainsi en saurons-nous plus sur ce mystérieux laissé pour compte qui aime apparemment le théâtre anglais classique autant que tuer, et nous saurons enfin l’issue de l’affrontement entre « méchants » et « gentils » truands. Mais pour l’heure, on ne peut nier que les auteurs ont su appâter le lecteur avec ce récit certes classique, mais dense et efficace, dont on espère qu’il tiendra ses promesses jusqu’au bout, malgré un dessin inégal et quelques répliques un peu lourdes.