Gus, ou le retour tant attendu

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Gus a vu le jour il y a plus de dix ans dans les méninges de Christophe Blain. Les trois premiers albums sont parus dans un mouchoir de poches en 2007 et 2008 et depuis, plus rien. Les amateurs finissaient même par penser que Ernest n’aurait pas de successeur. L’espoir fait vivre, car Happy Clem vient enfin réjouir les lecteurs les plus patients en ce début d’année 2017.

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Malgré l’intérêt attisé par les éloges régulièrement attribués à la série, on pouvait cependant être quelque peu déçu à sa lecture tant les histoires, plus ou moins longues, manquaient d’épaisseur, contrairement aux personnages bien caractérisés, et le dessin trop typé « nouvelle bédé » ne convaincant qu’à moitié. Une certaine superficialité des premiers tomes pouvait donc laisser le lecteur un peu dubitatif au regard de tant de témoignages dithyrambiques.

Happy Clem marque un tournant à plusieurs points de vue. Et c’est nettement plus plaisant. D’un point de vue graphique déjà. Blain est beaucoup plus précis, soigné (les bords de cases ne sont plus faits à main levée, c’est un signe qui ne trompe pas), s’attachant également plus aux détails et il nous offre quelques magnifiques cases judicieusement mises en couleur. Pour le plaisir, il caricature quelques figures célèbres de la TV et du cinéma anglo-saxon qui apparaissent dans des rôles plus ou moins secondaires (on reconnaîtra ainsi, en vrac, DeForest Kelley, Robert Duvall, Gene Wilder, Gene Hackman, Karl Malden, Sterling Hayden, Robert Vaughan, Henry Silva ou encore David Suchet). C’est d’ailleurs assez impressionnant de voir comment en quelques traits simples, Blain arrive à saisir les visages de ces stars. En cela, la comparaison avec Morris est tout à fait adéquate.

De même, on se demande si l’auteur n’a finalement pas mis autant de temps à réaliser son quatrième tome de Gus parce que depuis le précédent il se serait plongé dans la musique et l’univers artistique raide-cintré de Captain Beefheart (qui tient un rôle majeur dans l’album, sous son – presque – véritable nom, Don Van Vliet). Un conseil : écouter Safe as Milk de Captain Beefheart & His Magic Band (1967), c’est grandiose (huitième titre de l’album : « Abba Zaba ») et ça peut servir de B.O. à Happy Clem.

Pour en revenir plus précisément à l’album, les inconditionnels de la série pourront être déroutés par le changement de ton opéré dans ce tome 4. Gus n’est d’ailleurs présent que dans les dix premières planches qui constituent une histoire courte assez peu intéressante, il faut le dire, et qui semble n’être là que pour justifier l’apposition du titre de la série sur la couverture de l’album. Album qui, contrairement aux précédents, n’est pas découpé en chapitres, mais constitue un seul tenant homogène. L’ambiance est certes moins légère que dans les précédentes histoires, mais les personnages gagnent en consistance. Les considérations amoureuses des héros passent au second plan, voire disparaissent, pour laisser place à l’action ou aux tourments intérieurs de Clem. Sa relation avec son épouse romancière et sa fille Jamie qui file un mauvais coton (tendance Mercredi de La Famille Addams) ou avec son pote Gratt sont autrement plus intéressantes que les histoires de fesses qu’on avait connues jusqu’à présent. Et l’humour fonctionne mieux, ne serait-ce que par contraste avec les passages plus sombres.

Si l’on pouvait parfois se demander si on lisait bien du western avec les albums précédents, il n’y a cette fois-ci plus la moindre équivoque. Et si 1. Nathalie, 2. Beau Bandit et 3. Ernest ne vous avaient pas convaincus, il n’est pas impossible que 4. Happy Clem vous plaise beaucoup. D’autant plus qu’il n’est pas forcément nécessaire de connaître les premiers albums pour apprécier celui-ci. La suite (intitulée Rose) est déjà annoncée, et on a hâte.

A lire ou à redécouvrir !